C'est par l'entremise du cinéma et des électrodes fixés aux “parties sensibles” des torturés algériens, qui ont subi la gégène, que la France actuelle fait subir un interrogatoire musclé à la République colonisatrice. Mon colonel, film réalisé par Laurent Herbiet, inspiré du roman de Francis Zamponi, natif de Constantine, s'adresse davantage à un public français, peut-être encore ignorant les dessous des “événements d'Algérie”, qu'aux Algériens dont la chair et la mémoire n'ont rien à apprendre des méthodes utilisées par l'armée coloniale française pendant la guerre de libération. Même lorsqu'il s'agit de pouvoirs spéciaux, d'abord accordés par les politiques (dont François Mitterrand), puis logiquement appliqués par les militaires. Le film projeté une première fois à Sétif, lieu du tournage, puis dimanche à Alger, met en scène le désarroi du sous-lieutenant Roussi (Robinson Stévenin) face à la machine de la torture actionnée à Saint-Arnaud (El-Eulma) par son supérieur, le colonel Duplan (Olivier Gourmet). Tout au long du film, dont Costa-Gavras est le coscénariste, les deux militaires mettent en conflit la manière que chacun croit être la meilleure afin de garder une “Algérie française”. En cela rien ne les différencie. Le colonel est un militaire de carrière, alors que son subalterne est un volontaire. Cependant, seuls les moyens utilisés semblent les opposer. Les deux hommes, l'officier supérieur qui n'obéit qu'au seul objectif de “pacifier le pays” et son très jeune aide de camp que ne laissent pas tranquille les principes de droit appris dans les écoles de son pays, s'affrontent pour que la France puisse sauvegarder un visage légaliste. Ce n'est donc pas le fond qui alimente leur discordance, seule la forme nourrira, après l'admiration, leur animosité. D'ailleurs, qu'en est-il des Algériens dans ce film dont l'idée de réalisation remonte à 1999 ? Hormis les très nombreux figurants, les quelques suppliciés, le mouchard malgré lui (Ahmed Benaïssa), les personnages algériens sont tout simplement absents et ne servent que de faire-valoir à un débat franco-français. Et c'est justement là le mérite de ce film. S'interroger sur notre propre passé, glorieux ou moins héroïque. Une tâche qui reste en Algérie à accomplir. SAMIR BENMALEK