Sept attentats à l'explosif ont été perpétrés hier dans trois localités de la wilaya de Boumerdès et deux de la wilaya de Tizi Ouzou (lire en page 2 article de notre correspondant à Tizi Ouzou), tuant huit personnes et en blessant 28 autres dont dix éléments des services de sécurité. En parfaite synchronisation, les explosions ont retenti aux environs de 4h45 dans un rayon de près de 100 km allant du centre-ville de la wilaya de Boumerdès jusqu'à Mekla dans la wilaya de Tizi Ouzou en passant par les localités de Illoula Oumalou, Draa Ben Khedda, Souk El Had et Si Mustapha. Celle-ci est de loin la plus meurtrie. Les terroristes ont visé le bâtiment de la brigade de la Gendarmerie nationale située en bordure de la route nationale 12. L'immeuble de deux étages a été dévasté par la forte explosion du véhicule. L'intensité du souffle a même arraché les portes et les fenêtres des pièces de l'étage supérieur de la brigade. Profondément troublé, le cafetier du coin tente de reconstituer les moments de l'attentat. « J'étais derrière mon comptoir. Il y avait déjà quatre personnes attablées quand un véhicule Renault Express s'est arrêté devant le café. Il y avait deux personnes à bord. C'est tout ce que j'ai vu avant de percevoir la voiture propulsée par une boule de feu qui l'a projeté avec ses occupants contre l'arbre », dit-il en tentant de se remémorer les événements dans leur ordre chronologique. « Ils ont été tués sur le coup », ajoute un jeune homme avant de préciser qu'« ils étaient certainement de passage et se sont arrêtés pour prendre un café. D'après leurs pièces d'identité, ils seraient originaires de Jijel ». Le cafetier interviendra pour dire : « Il y a aussi l'autre homme et la femme » en continuant à scruter le mobilier de son café complètement détruit. Les occupants d'un autre véhicule stationné à une cinquantaine de mètres du café ont été carbonisés. « L'homme avait laissé sa femme dans le véhicule et venait chercher un café. Il a été brûlé vif. C'est en voulant déplacer la voiture qu'on a découvert la femme carbonisée à l'intérieur », explique un des témoins présents dans le café. A 13h30, on poursuivait le nettoyage de la petite localité. « Ils ont commencé à 6h30 et ils en ont encore pour de longues heures », commente un des passants qui suivait le travail de fourmi des différentes équipes de pompiers, de la Sonelgaz et des services de l'APC. Plusieurs maisons ont été détruites. Leurs occupants s'en sont sortis miraculeusement avec quelques blessures. Les maisonnettes de la famille Arif ont été entièrement dévastées. Le chef de famille, qui s'en est sorti avec des points de suture à la tête, n'arrive toujours pas à comprendre ce qui leur est arrivé. Sa sœur avait cru à une explosion de gaz à l'intérieur de la maison. « Je n'ai rien compris », dit-elle, encore sous le choc. « Je dormais et j'ai été réveillée par la forte explosion. Le feu était partout et je pensais que c'était notre bouteille de gaz qui avait explosé. » Elle poursuivra : « Vous savez, cette rue porte le nom de mon frère le chahid Arrif... Ces criminels viennent terminer ce que la France a laissé derrière elle. » L'explosion était d'une telle puissance qu'elle a creusé un cratère de près de deux mètres de diamètre dans la chaussée. « Le gendarme de faction n'a pas eu le temps d'avertir ses collègues. Il n'a fait que siffler l'intrus qui s'est arrêté devant l'entrée de la brigade... Heureusement d'ailleurs », dira un des Patriotes selon lequel le bilan aurait été beaucoup plus lourd si les gendarmes avaient eu le temps de sortir. « Le criminel a déposé une Laguna bourrée d'explosifs et s'est enfui avec son ou ses complices à bord d'une Megane en criant ‘‘Allah Akbar Al maout li taghout'' », raconte un gendarme qui nous précise que le forfait a été commis en moins de deux minutes. Les deux cafés de la localité, les épiceries, les douches et même l'APC située dans une ruelle parallèle ont été très endommagés. Trois kilomètres plus loin, dans la localité de Souk Al Had, deux engins explosifs commandés à distance ont secoué la petite bourgade à proximité de la brigade de gendarmerie. L'explosion a fait 5 blessés parmi les gendarmes. Les façades des deux bâtiments de quatre étages abritant leurs logements de fonction ont été fortement endommagées. Les portes et les fenêtres ont été arrachées alors que les plafonds des logements du bas se sont partiellement effondrés. A Boumerdès, la lassitude se lisait sur tous les visages. La bombe qui a secoué la première Sûreté urbaine de la wilaya vers 4h35 a plongé les habitants du centre-ville dans un dégoût manifeste. « Al far amrou ma yatraba [le rat ne sera jamais domestiqué] », assène un sexagénaire. « Que veulent-ils encore ? L'Etat leur a pardonné, ils ont retrouvé leurs maisons, leurs familles et leurs biens et ont eu des indemnités en prime ! ! Que cherchent-ils encore ? ! » s'interroge un des habitants des maisons mitoyennes du commissariat. L'explosion a eu lieu à une centaine de mètres du siège de la wilaya et à proximité de la Sûreté de celle-ci. « Nos voisins japonais ont eu le choc de leur vie... Leur maison a été endommagée, les femmes pleuraient et les voitures du voisinage ont toutes été touchées », raconte Mehdi, un des habitants de cette artère au moment où les éléments de la police scientifique s'activaient pour relever tous les indices que l'explosion du véhicule Mitsubishi 4x4 aurait pu laisser. On apprendra qu'un policier a été grièvement blessé. Les dégâts matériels sont cependant très importants. Outre la façade du commissariat détruite, toutes les maisons du voisinage ont été endommagées alors que les commerces d'en face ont été éventrés. « J'ai compris tout de suite que c'était un attentat. Je ne voulais même pas quitter mon lit après la déflagration. Même durant les années de feu, le centre-ville a toujours été épargné », raconte un des employés de la wilaya avant de s'interroger : « Ça ne s'arrêtera donc jamais ? » G. H.