Le temps, au début des années 1980, où les relations entre les deux pays étaient exécrables, est désormais lointain. La République islamique semble bien décidée aujourd'hui à renouer avec la première puissance mondiale, ne serait-ce que pour atténuer un tant soit peu la situation chaotique de l'Irak voisin. Le dégel irano-américain tant annoncé se poursuit à un rythme lent et soutenu à la fois. Mais afin de ne pas trop heurter son opinion publique, l'administration Bush veut incontestablement donner du temps au temps et ne pas tomber dans le piège qu'elle pense avoir été tendu par Téhéran. Après la rencontre baghdadie de mardi dernier dans un lieu ultra protégé de la zone verte, on promet une réunion plus importante pour l'avenir des relations entre les Etats-Unis et la République islamique d'Iran. Exit les ambassadeurs à Baghdad, cette fois c'est peut-être les vice-ministres des Affaires étrangères des deux pays qui se rencontreront pour refaire à leur guise la cartographie d'un pays démoli à tous les niveaux. Une proposition qui provient toutefois de Téhéran et non de Washington. Apparemment pressé de reprendre langue avec l'ennemi américain, l'Iran compte vraiment sur le prétexte irakien pour redorer son image, et contribuer un tant soit peu à l'amélioration de la situation de l'Ouest. « La question de discussions au niveau des vice-ministres des Affaires étrangères des deux pays à propos de l'Irak peut être examinée [...] Si les Etats-Unis en font la demande, nous sommes prêts à étudier cette question », a déclaré hier, confiant, le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki. Même si la réponse américaine se fait toujours attendre, les Irakiens, quant à eux, applaudissent à tout rapprochement entre leur ancien ennemi et leur nouvel allié. La confidence est venue hier de Hoshyar Zebari. Le ministre irakien des Affaires étrangères avoue à demi-mot que la réunion tripartite de mardi a été couronnée de succès. Il révèle pour une fois qu'un comité de sécurité commun pourrait prochainement voir le jour. « Ce comité tentera de limiter les activités des milices, de lutter contre le réseau terroriste Al Qaïda et d'instaurer la sécurité aux frontières », pouvait-on lire hier dans un communiqué des services du Premier ministre. Une chose est sûre aujourd'hui, même si le dialogue entre l'Iran et les Etats-Unis semble prendre un chemin sinueux, les Irakiens seront toujours là pour en faciliter le cheminement. Il y va de leur propre avenir et de celui de la région. Au beau fixe depuis deux ans, les relations politiques et diplomatiques entre l'Irak et l'Iran n'ont jamais été aussi bonnes, preuve en est l'échange de visites officielles entre les deux pays, dont les plus importantes sont celles effectuées par le président Jalal Talabani à Téhéran en novembre 2006 et en juin 2007. Le dernier cadeau venu directement de la république islamique est un avion flambant neuf destiné au chef de l'Etat irakien pour y effectuer ses déplacements à l'étranger. Signe des temps ou simple coïncidence, l'appareil est de fabrication européenne et non américaine, encore un message fort envoyé outre-Atlantique. Il y a assez d'avions américains en Irak, pourraient dire certains. Au milieu des F-16, des B-52, des Apache et des Cobra, l'Airbus A300 offert par Téhéran viendra narguer une puissance mondiale qui n'a pas d'argile que les pieds. M. K. Drareni, La Tribune