Les pérégrinations à travers les wilayas des préposés à l'animation de la campagne électorale au profit du candidat-absent Abdelaziz Bouteflika tournent au cauchemar. A la difficulté fort prévisible de vendre une candidature virtuelle, il leur faudra à présent subir la furie des citoyens partout où ils se rendent. Hier samedi, l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, converti en directeur de campagne du candidat Bouteflika, n'a pu quitter l'enceinte aéroportuaire de Béjaïa pour se rendre au centre-ville où il devait animer un meeting à la maison de la culture Taos Amrouche. La forte mobilisation des Béjaouis opposés au 4e mandat pour Bouteflika et le processus électoral en cours l'a obligé à annuler son meeting. Auteur, précédemment, d'un propos irrévérencieux à l'égard des Chaouis, Abdelmalek Sellal devra aussi, la mort dans l'âme, faire l'impasse sur sa virée prévue mercredi prochain dans la capitale des Aurès, Batna. Au vu de la colère que son propos a suscitée parmi les Chaouis, le déplacement de Sellal à Batna se présente en effet périlleux. D'ailleurs les accueils réservés vendredi à Ahmed Ouyahia à Oum-El-Bouaghi et Abdelmalek Boudiaf dans la commune de Ras-El-Aïn (Batna) ont dû renseigner Abdelmalek Sellal sur ce qui l'attend en terre chaouie. Rappelé aux affaires, après une courte traversée du désert, et versé de suite dans la campagne électorale, le directeur de cabinet de la présidence de la République a été accueilli, dès sa descente de voiture, par des « Ouyahia dégage ! » Cela préludait du pire qui l'attendait à l'intérieur de la salle omnisports de la ville où il prenait la parole. En effet, dès qu'il entama son discours, des pots de yaourt ont fusé de la salle en sa direction... sans toutefois l'atteindre. Dehors, une foule nombreuse s'était agglutinée, scandant des slogans hostiles au 4e mandat. Ahmed Ouyahia a dû quitter les lieux par une porte dérobée. Abdelmalek Boudiaf, le ministre de la Santé, qui était le même jour en campagne électorale du côté de Ras-El-Aïn, dans la wilaya de Batna, ne devait pas connaître meilleur sort. Il a dû prendre la poudre d'escampette et se réfugier au commissariat de police de la ville, tant l'hostilité affichée à son égard par la population locale était grande. Le même ministre a déjà vécu pareille mésaventure à M'sila. Jeudi, le binôme Benyounès-Ghoul, également préposé à l'animation de la campagne électorale au profit de Bouteflika, a été empêché d'animer un meeting à Relizane. La permanence électorale du candidat Bouteflika était assaillie par des dizaines de jeunes qui dénonçaient le 4e mandat et la mascarade électorale en préparation. La paire de ministres s'est vu, de ce fait, contrainte d'annuler son meeting. Leur virée de campagne hier à Lille, dans le nord de la France, n'a pas été une sinécure. Leur meeting a été perturbé. Les deux ministres avaient déjà été pris à partie par des opposants au scrutin présidentiel la semaine dernière à Vitrolles, à Marseille. Amara Benyounès et Amar Ghoul n'ont dû leur salut qu'à l'intervention de la police qui les extirpa du guet-apens. Les autres animateurs de la campagne électorale au profit du candidat Bouteflika, à l'instar d'Amar Saâdani et d'Abdelaziz Belkhadem, ne sont pas logés à meilleure enseigne. Ils peinent à mobiliser. Que de fois ont-ils prêché devant des salles clairsemées, pour ne pas dire quasi-vides. Ceci dit, la campagne électorale au profit de Bouteflika ne pouvait que mal se dérouler. D'abord parce qu'elle est la campagne d'un candidat absent, impotent, obligé à observer une longue, très longue convalescence suite à son AVC du 27 avril 2013. Ensuite parce qu'en 15 ans de pouvoir, Bouteflika et son équipe n'ont pas produit un bilan qui les aiderait dans leur ambition à renouveler le bail pour 5 autres années. En dépit, en effet, d'une forte dépense publique (on parle de 700 milliards de dollars depuis 1999), les réalisations restent maigres et l'économie reste toujours fortement dépendante des importations. Et cette campagne électorale de Bouteflika ne pouvait qu'être poussive, puisque l'incapacité du chef de l'Etat sortant à conduire les affaires de la nation n'est un secret pour personne. Les Algériens ont compris que ce qui intéresse Bouteflika et son clan ce n'est pas tant aider le pays à sortir de la crise mais juste le pouvoir qui leur procure le sentiment de puissance. Ils l'expriment partout en menant la chasse à ses vizirs en campagne.