Les faux notables chez nous sont comme ces cadres qu?on accroche dans les maisons de jeunes ? la peinture d?fra?chie et au papier peint d?coll? qui a perdu sa couleur pour ressembler ? une fresque murale de l??poque des Incas. Comme un tapis qu?on d?roule pour une visite, on les sort lors des manifestations et les grandes occasions pour les placer entre deux pots de fleurs. ?Ces gens l?? comme les chante Brel, ont tout faux. Du sourire ? la montre en toc, en passant par la cravate froiss?e de mauvais go?t et la chemise au col crasseux retourn? pour la circonstance chez le retoucheur du coin. Etre faux notables, c?est un m?tier. Comme ?tre Alg?rien. Le sourire, lui aussi de circonstance et transparent ? travers une rang?e de dents jaunies, est arbor? comme un ?tendard qui flotte au haut d?une institution. Le faux notable a cette particularit? de se cacher les jours dits ordinaires pour appara?tre lors des c?r?monies. On le devine ? sa stature qu?il veut droite mais trahie par sa t?te inclin?e vers le bas et son dos vo?t?, un pli qu?il a pris ? force de faire d?interminables salamalecs. Le faux notable, c?est celui qui a le regard fix? sur les autorit?s en permanence, dans l?espoir de recevoir en retour un petit bonjour ou un simple geste de la main. Et oublie ce qui se passe ailleurs. A l?arriv?e du cort?ge, ils sont les premiers ? sauter devant pour les baisemains traditionnels et offrir l?accueil chaleureux. Leur niveau d?instruction d?passant rarement celui de la cantine, ils parlent peu. Tr?s peu m?me. A peine s?ils esquissent une phrase, d?ailleurs inaudible pour se d?voiler le moins possible. C?est parce qu?ils n?ont rien ? dire car ils ne savent rien, sauf si c?est pour demander une faveur. Leur hobby, c?est de faire ?classe? devant leurs concitoyens d?favoris?s alors qu?ils n?ont pas la griffe. Une fois les lampions de la manifestation ?teints, ils retournent dans leur petit coin perdu, comme un ?colier ? qui le ma?tre a coll? un z?ro en r?citation, en attendant la prochaine exhibition. Leur point fort, c?est de ne jamais rougir de leur ridicule, ni de la couleur de leur cravate ou de la chaussette qui pue sous la savate. Le temps vieillissant, ils finissent comme ce papier attrape-mouches qu?on place dans un plafond pour stopper toutes ces glossines hideuses qui veulent se rapprocher de la lumi?re. 5 juillet, saison estivale, f?te de la cerise, T?hara, journ?e de la femme (!!?), jubil?, ils sont l? pour jouer aux riches alors qu?ils n?ont pas le sou, pour faire les beaux alors qu?ils sont vilains comme une grimace.