On croyait que le go?t pour la lecture avait compl?tement disparu des habitudes des Oranais. Le postulat se laisse tr?s vite contredire par la multiplication, ces derniers temps, de nombreux ?tals de bouquinistes dans des art?res tr?s fr?quent?es de la ville. Ce constat, qui pr?te ? l?optimisme, laisse supposer que l?engouement pour ce ?vice impuni? qu?est la lecture demeure toujours vivace. Au moment o? l?Etat s?est r?solument engag? dans une politique de promotion du livre et de la lecture publique, les autorit?s locales devraient, pour donner tout son sens ? cette option, penser ? mettre ? la disposition de ces authentiques commer?ants du savoir des espaces souvent destin?s, avec une ?tonnante facilit?, ? des commerces plus lucratifs certes, mais moins utiles. Les passionn?s de lecture ont donc aujourd?hui de quoi se mettre ?sous les yeux? et peuvent donc au prix de quelques dinars seulement trouver de quoi contenter leur soif de curiosit?. A la Place Kahina, qui sert d?esplanade ? la biblioth?que r?gionale (ex Cath?drale), sur le prolongement de la Rue Khemisti en face du Grand Garage ou dans des endroits encore plus insolites, telle une ?choppe d??pices au march? de Ha? Dhaya, des ?tals de bouquinistes ont fait leur r?apparition. Un simple assemblage de petites tables constituera rapidement une vitrine en plein air o? sera expos? un grand lot d?ouvrages de litt?ratures tr?s vari?es. Le modeste et h?t?roclite ?talage comprendra un choix de livres anciens en fran?ais, en grande majorit? des romans de la litt?rature classique, de collections la plupart du temps ?puis?es, des recueils de po?mes, des revues sp?cialis?es, des polars, des livres scientifiques, des magazines ainsi que des dictionnaires. ?Ce sont surtout les femmes qui lisent, des femmes de diff?rents ?ges, g?n?ralement des ?tudiantes ou des fonctionnaires qui ont gard? le go?t pour la lecture?, dira Moussa, un ancien bouquiniste sexag?naire. Lui, c?est un v?t?ran, il cumule d?j? quelque 38 ans dans ce ?m?tier? apr?s avoir fait celui de brocanteur. Il a install? ses p?nates au centre ville. Tous les jours depuis cinq ans, ? l?angle que forme le boulevard Emir Abdelkader et la rue Audebert, il installe sa biblioth?que de fortune o? il range avec beaucoup de soin son lot de bouquins anciens, dont le brillant des pages de garde a ?t? fl?tri et rid? par le temps, quelques tableaux de peinture ou encore des albums de timbres. Quelques planches de bois serviront d??tag?res pour pr?senter des collections connues de livres de poche, de diff?rentes s?ries de polars, des ouvrages de la litt?rature universelle classique (Balzac, Hugo ou Dosto?evski), des livres scientifiques (psychologie, m?decine ou de sciences exactes). ?Y en a pour tous les go?ts?, d?clare-t-il avec beaucoup de fiert?. La demande pour les bouquins est exprim?e principalement par les ?tudiants qui ?prouvent d?immenses difficult?s ? se procurer des ouvrages dans les librairies de la ville, parce qu?introuvables ou trop on?reux. En plus de la vente, il propose l??change d?ouvrages contre le versement de la somme de 20 DA. Il privil?gie cette forme de troc qui est plus abordable pour sa client?le. C?est par ce biais aussi qu?il parvient ? renouveler sans cesse son stock de livres. Le prix ? la vente de ses ouvrages varie selon la discipline et oscille entre 100 et 200 DA. Dans le march? couvert de Ha? Dhaya, c?est une ?tag?re d?une boutique d??pices, qui offre quelques ouvrages ? la lecture. L??picier propose ? la vente, dans cette atmosph?re tr?s exotique et bariol?e, faite de senteurs d??pices et de gazouillements m?lodieux d?oiseaux en cage, quelques vieux bouquins apr?s lui avoir servi de livres de chevet. A l?heure o? l?Etat s?est engag? dans une politique de promotion du livre et de la lecture publique, les autorit?s locales devraient prendre en charge ce besoin en lecture avec plus de volont?.