Salah Haioun, Mohamed Bahloul, Djahida Houadef, Abdelkader Belkhorissat, Amor Idriss Dokman et Mahjoub Benbella, des artistes peintres, et le talentueux sculpteur Kouider Medjahed. C'est avec des œuvres de ces artistes qui ne sont pas à présenter que l'Espace Lotus a ouvert ses portes avant-hier, à 18 heures. Mais quand on sait que son initiateur n'est autre que Médiene Moussa, un ancien journaliste de l'Aps mais aussi un homme de culture qui a côtoyé bien des générations d'artistes, on peut avancer que ceux qui ne croient pas en son projet de promouvoir l'art -dans une ville où beaucoup se contentent de calentita à l'heure du déjeuner- ont déjà tort. «Certains préfèrent investir dans ce qui rapporte gros et rapidement, lui a choisi le chemin le plus ardu, l'art pictural», dira D. Ahmed, un chercheur universitaire. Il est relayé par un autre invité au vernissage de ce jeudi. «Tant qu'il est des hommes comme lui, qui offre ce genre d'espaces aux artistes, on peut être sûr que l'Algérie ne sera pas seulement désignée du doigt comme étant la terre des atrocités. Nous avons plein de talents qui n'attendent qu'à être présentés au grand public et cet espace, si petit soit-il mais charmant et ô combien important dans la vie de la cité, permet justement de créer une vie artistique, tout en participant dans les fait à asseoir un véritable marché de l'art, qui existe dans l'informel et grâce aux hommes et femmes qui ont parié sur les artistes en ouvrant des galeries», estimera Ch. Rafik. Il faut dire que l'événement n'est pas passé inaperçu. Des personnalités du monde culturel, des journalistes, des écrivains, des universitaires, des collectionneurs d'Oran –cela contredit tous ceux qui soutiennent encore qu'il n'y a pas assez de connaisseurs de la chose artistique à Oran- ainsi que des étrangers installés dans la capitale de l'Ouest, comme le consul général de France et son assistante, le directeur du centre culturel français, celui de l'institut Cervantès, la directrice de l'Institut international de management Pigier… Salah Hioun nous invite à un univers fait de silhouettes semblant surgir d'un monde magnifié, mais suggérant la profondeur ancestrale plurimillénaire de l'Algérie. Evidemment, son thème familier reste la foule, les visages, les souvenirs. Djahida Houadef, elle, donne une fraicheur sans pareille aux murs de la galerie. Une fraicheur qui flirte avec les couleurs naïves mais ô combien profondes et évocatrices. «Les céruléens célestes se conjuguent aux jaunes jonquilles, pour croiser les rouges regards ou pour pourfendre les verts désirs», dit Nadia Taright de son travail. Quant à France Bourgeois, elle estime qu'avec des «silhouettes fragiles (…), l'œuvre de Djahida célèbrent la vie, ses femmes ici sa fleur, offrande de couleurs, lignes douces, structure, rigueur presque mathématiques, fugues ou cantates elles parlent de bonheur, d'abandon.» Abdelkader Belkhorissat reste, lui, attaché aux paysages urbains où, faut-il le redire, il excelle. Sa peinture évoque les quartiers populaires d'Oran mais il n'est plus question de la banale «peinture carte postale». Ses tableaux parlent. Tout y est en mouvement, grâce à des touches qui ne viennent jamais rompre l'harmonie de l'œuvre. Amor Driss Dokman revisite, lui, les peintures rupestres du Tassili. «J'y découvre des scènes insoupçonnables et toujours inattendues. Ces scènes, je les réinvente pour le regardeur, avec des tonalités différentes et une sensibilité du jour, de notre époque», dit l'artiste dont les œuvres comme des contes féeriques. Il y a aussi ces peintures de Mohamed Bahloul, le directeur de l'IDRH, que je découvre pour la première fois. Même s'il a eu à en parler à un confrère à ce propos. «La peinture est une passion que je traîne peut-être depuis l'école coranique où je décorais les louhate du khatm du Coran de mes camarades», lui dit-il. Cela explique peut-être ses couleurs chatoyantes et rabattues à la fois pour évoquer l'Homme comme le ferait un philosophe. Le contemplateur s'y voit nécessairement ou y voit dans l'autre ce que son subconscient ne dit pas vraiment. Et l'autre fait à relever aussi, c'est que l'on a l'impression d'avoir plutôt affaire à un sculpteur. Les formes jetées sur papiers évoquent le travail des magiciens du bois. A l'exemple de Kouider Medjahed. Ses sculptures, à mi-chemin entre l'abstrait et le réel, parlent toutes les langues. Il n'est pas utile d'être connaisseur pour tenter des lectures. Elles sont là, debout, à interpeller le visiteur. Il y a enfin Mahjoub Benbella. Artiste dont les œuvres ont une place de choix dans les plus grands musées du monde. C'est un véritable «écrivain de la peinture», pour reprendre une expression qui résume à merveille son travail. L'Espace Lotus, situé au 9 de la rue Ho Chi Minh à Oran, donne une chance inouïe à ceux qui ne connaissent pas l'artiste des fresques monumentales de découvrir des petites œuvres mais aux dimensions infinies.