C'est dans une ambiance très festive qu'a été donné, jeudi en soirée au Théâtre de verdure Chekroun Hasni, le coup d'envoi de la 3e édition du Festival de la musique et de la chanson oranaise, organisé, du 29 juillet au 3 août, sous le parrainage du ministère de la culture et de la wilaya d'Oran, en présence d'un nombreux public et des représentants de ces deux institutions. Comme le veut la tradition, cette édition du Festival était dédiée à deux figures artistiques qui ont grandement contribué à la promotion de la chanson oranaise : la chanteuse Hadjira Bali et le parolier Saïm Hadj, dont les portraits encadreront, durant toute la durée du festival, la scène du théâtre en plein air. Cet important événement culturel qui, soulignera Mme Rabéa Moussaoui, Commissaire du festival, dans son allocution, constitue un des jalons de l'action de « revivification du patrimoine culturel national dans toute sa diversité, impulsée par le ministère de la culture par le biais de plus d'une centaine de festivals ». La cérémonie inaugurale du Festival fut une soirée très conviviale avec un spectacle bariolé alliant prestations de troupes folkloriques, déclamation de qaçidates de poésie melhoun, hommages à d'illustres représentants de la musique et de la chanson algérienne, intermède humoristique, chorale, et bien sûr le gala où cinq artistes de la chanson devaient se relayer accompagnés de l'orchestre sous la direction du maestro Rahou Boutlélis. Des points positifs sont à inscrire : un dispositif d'ordre impeccable, un événement qui a permis à des artistes de se retrouver après tant d'années et un public exemplaire qui a adhéré favorablement à la fête. Quelques points noirs cependant : une sonorisation qui n'était pas à la hauteur d'un tel événement, une défection passée inaperçue de Chebba Kheïra, qui n'affectera en rien le programme, et un début tardif de la soirée en dépit les dispositions prises par les organisateurs pour veiller au strict respect du budget temps. Ces contretemps seront aisément comblés par les danses, en hors scène, des troupes folkloriques dont les rythmes endiablés et les détonations de baroud annonceront le début de la fête. La jeune formation de Aloui de Aïn Temouchent prendra le relais sur scène en exécutant une danse où les mouvements des danseurs ne seront pas très synchronisés. Annoncé avec beaucoup d'entrain par l'animatrice Ibtissem, dont on connaît la volubilité et le goût prononcé pour la dithyrambe, Houari Blaoui offrira un hymne à Oran, intitulé El Bahia, composé à partir d'un texte dépoussiéré du poète et parolier Tammouh Abdallah, interprété par une chorale féminin composée de cinq proches du vénérable maître de la chanson oranaise. C'est à Houria Baba, la perle noire de la chanson oranaise, que reviendra le privilège d'entamer le gala avec deux chansons en hommage à Sabah Essaghira : « Chehal nebghi ouled bladi » et « El Mouima », écrites par le parolier Saïm Hadj. Elle sera relayée par les chanteurs Negadi Kouider et un intermède où seront honorés d'illustres représentants de la chanson et de la musique algérienne, en l'occurrence El Hadi Rjeb, Noubli Fadhel, Mohamed Boulifa, Yousfi Tewfik, Mohamed Tahar et Bouzian Kouider. La deuxième partie du gala reprendra avec Cheikh Hebri et Abdelkader Khaldi, Cheb Kadirou qui, devant l'enthousiasme du public, se laissera aller à quelques airs de raï, et enfin Houari Benchenet. Ce sera un gala empreint de beaucoup de mélancolie. Tous les artistes oranais ont la nostalgie à fleur de peau. Les chansons racontent en quelque sorte leur Andalousie. La majorité des chansons convient inéluctablement le public à un voyage dans le temps et l'espace pour le replonger le passé glorieux de la ville, lui offrir une balade à travers les sites historiques ou les lieux hantés par les figures illustres de la ville ou encore à revivre, comme dans un album photos de famille, des moments intimes d'une enfance heureuse. Le public ne peut qu'adhérer à une telle invitation qui envoûte par son rythme et remue les tripes. Quand Blaha Benziane, fervent défenseur et compilateur invétéré des précieuses oeuvres de la poésie populaire melhoun, évoquera les nombreux saints patrons de la ville à travers la qacida « Ouahran oua outadha », dont chaque couplet sera scandé par une bruyante ovation d'une partie du public, le poète El Bahri regrettera « Ouahrane ki kounti ». El Hebri, accompagnera sa complainte, « Magouaha Ouahran tebki oua tnouh » des gémissements de son inséparable accordéon. Plus tard, en fin de soirée, Houari Benchenet évoquera ses souvenirs d'enfance avec « Ki netfakar iyami » : la virée en mer vers la cueva del agua dans la barque de Zem Zem ou des balades en carrico, où tous les anciens oranais se retrouveront. Dommage que l'auteur de Arsam Ouahran, en costume blanc immaculé et dans un jour sans, n'ait pas réussi à produire le coup d'éclat attendu pour clôturer cette soirée en apothéose.