Annoncée pour cette semaine à Alger la venue de Jean-Pierre Raffarin est très attendue de part et d'autre. C'est le moins qu'on puisse dire car d'après nos sources, l'enjeu semble même colossal. Et pour cause ! Désigné en septembre dernier par le président Nicolas Sarkozy, l'ancien Premier ministre français est chargé par l'Elysée d'une mission délicate sur la coopération économique entre la France et l'Algérie. Un thème qui prête à beaucoup de controverses notamment dans l'ancienne colonie où certains cercles veulent résolument criminaliser le colonialisme, une condamnation politique qui pourrait être, certes, lourde de conséquences à défaut de compromis. C'est donc du front économique que dépend surtout l'avenir des relations entre les deux pays. Pour éviter le pire, chacun semble, aujourd'hui, vouloir y mettre du sien. La mission à Alger de celui qu'on appelle Monsieur Algérie (après avoir été notamment Monsieur Chine) est d'identifier et de lever les obstacles en matière économique. Ce qui, convenons-en, n'est sûrement pas une sinécure après les relations houleuses qui ont caractérisées ces derniers mois sur fond de guerre des mémoires, de Qui tue qui et d'affaire Hasseni du nom du diplomate algérien malmené en France. Du côté Algérien, on veut faire, semble-t-il, table rase du passé récent pour s'attaquer enfin au vrai problème à savoir équilibrer des relations économiques désavantageuses avec la France. Au moment où l'on s'attendait dans le sérail à la nomination d'un représentant de la vieille garde à l'image de Smaïl Hamdani, par exemple, pour servir d'alter ego à son homologue français voilà que c'est un membre de l'exécutif, d'ailleurs, un nouveau promu au Gouvernement qui est désigné pour être le vis-à-vis officiel de M.Raffarin. Un choix délibéré et fort en symbolique. D'après nos sources, c'est Ahmed Ouyahia qui a soufflé le nom de Mohamed Benmeradi ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des investissements à Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée lors de sa visite à Alger. Avec la désignation de Mohamed Benmeradi, le message algérien est, dés lors, lancé : « On veut parler affaires et regarder vers l'avenir ! » Mais encore une fois, s'agissant de la France, ancienne puissance coloniale, pour les Algériens, c'est toujours aussi un peu une question de « Nif ». Pour beaucoup de décideurs algériens, il est, ainsi, désormais, inadmissible que le constructeur automobile français Renault engrange en Algérie 50 % de son marché en Afrique du nord sans qu'en retour il ne prenne un engagement de nature industrielle. On croit savoir, ainsi, que les négociations au sujet de la réalisation d'une usine Renault à Rouiba (sur le site de la Snvi) vont prendre, à l'occasion de cette visite, un tournant significatif. «Pour les Algériens, il s'agit, dans cette affaire, d'appuyer à fond sur le champignon pour afin de trouver un compromis juste et équitable». D'autres projets de partenariat notamment dans l'agriculture et l'industrie pharmaceutique seront passés également en revue. Raffarin aura fort à faire. Il aura la lourde de tâche de préserver les acquis français, une position concurrentielle qui fait, notons-le, de nombreux « jaloux ». Dans sa lettre de mission qui lui a été adressée, en septembre dernier, par le Président Sarkozy, il lui est ouvertement demandé de veiller à maintenir et à accroitre, à l'occasion, autant que possible le leadership français en Algérie. Ceci pour dire que les mots ont un sens. Les négociateurs algériens doivent avoir à l'esprit les fameux accords d'Evian arrachés de haute lutte par des émissaires qui ne disposaient pas, eux, il est vrai, des mêmes arguments.