Mai 2005. Le porte-avions fran?ais Charles De Gaulle mouille au large des c?tes am?ricaines. Objectif: Exercices a?ronavals alli?s franco-am?ricains ?d?instruction?. Au terme des man?uvres, une escadrille US salue le b?timent fran?ais en formant une Croix de Lorraine? Cette d?licatesse provoque le commentaire acide d?un journaliste de la t?l?vision fran?aise qui retransmettait l??v?nement: ?Le G?n?ral doit s?en retourner dans sa tombe?. D?autant que ces exercices se d?roulent en plein contexte ?irakien? dont l?invasion par une coalition am?ricano-europ?enne a constitu? un acte ?international ill?gal?, stigmatis? surtout par la France dans les d?bats onusiens. Mais la diplomatie fran?aise sait cultiver l?ambivalence ?utilitaire?. De Manhattan, De Villepin, tribun lettr?, s?envole dans un lyrisme remarquable: ?La France, qui a connu les affres de l?occupation, n?oublie pas ses lib?rateurs?. L?invasion de l?Irak traduit, de l?opinion la plus partag?e, l?expression la plus radicale de la ?naphto-d?pendance? am?ricaine, surtout apr?s le tarissement probable annonc? des r?serves de l?Arabie Saoudite qui devient subitement un ?r?servoir? de terroristes et d?o? la US Army a vite fait de d?m?nager son Q.G. pour une affectation plus appropri?e aux perspectives strat?giques. Le choc p?trolier de 1973, dont les m?canismes de survenue restent douteux tant il a, en d?finitive, plus profit? aux multinationales du P?trole qu?aux pays de l?OPAEP qui n?ont r?colt?, pour la plupart, que des repr?sailles politiques, hante toujours la m?moire des ?conomistes. Et l?Am?rique, depuis la crise de 1929, semble s??tre jur?e de ne plus conna?tre une pareille situation, quels qu?en soient les moyens. La France aussi d?veloppe une ?addiction? au P?trole arabe. Ainsi courtise-t-elle souvent l?opinion arabe. Lors de l?invasion de l?Irak, la rue arabe a adress? mille vivats ? la France et ? Chirac pour sa position onusienne et semble avoir oubli? que c?est la France qui a dot? Isra?l de l?arme nucl?aire, conf?rant ? ce pays un rapport de force, avec ses voisins, irr?m?diablement favorable. Mais la hantise du manque de P?trole peut conduire tous les grands de ce monde ? des comportements radicaux: Poutine rase et occupe la Tch?tch?nie et Chirac menace, en pleine crise du dossier nucl?aire iranien, d?utiliser l?Arme Atomique pour d?fendre ?les int?r?ts de la France?. Mais retour au Charles De Gaulle, le b?timent, et ? Charles De Gaulle, le pr?sident qui devait se retourner dans sa tombe selon le journaliste de TF1, parce que le porte-avions qui porte son nom est salu? par une escadrille US qui dessine la Croix de Lorraine. Ceci me renvoie ? une autre ?dition: celle du magazine Paris-Match lors du voyage de John F. Kennedy en France. Paris-Match, s?inspirant probablement du magazine am?ricain disparu Life, repose sa philosophie de la communication sur la primaut? de l?image sur les mots. Aussi, le reportage sur la visite de John F. Kennedy ? Paris est sublime. La US First Lady, Jacqueline, and her husband, subjuguent la vieille Europe par leur classe qui ferait p?lir de jalousie tous les couples royaux et princiers du vieux continent. John F. Kennedy, descendant d?immigrants irlandais dont beaucoup ont fui la pers?cution de l?Empire parce qu?une mauvaise r?colte de ?potatoes? n?a pu s?acquitter de la redevance fiscale de Sa Majest?, semble ramener, dans la vieille Europe, la revanche du Nouveau Monde b?ti par les ?fils? des peuples asservis et pers?cut?s par les monarchies archa?ques de l?ancien Continent. L?accueil de Paris est ? la hauteur du prestige du fabuleux couple. Mais un commentaire, compos? de deux mots et d?un point d?interrogation, en marge d?une immense photo montrant De Gaulle entour? du couple pr?sidentiel, ne laisse pas indiff?rent: ?Le d?gel?? L??vocation de ces deux reportages distants m?impose une r?flexion: ainsi, entre la France et l?Am?rique, a souffl? une perturbation de l?atmosph?re atlantique contemporaine de J.F. Kennedy qui en aurait ?t? partie prenante. Et plus de quarante ann?es apr?s, cet orage n?est pas oubli?. Quelle est donc cette force de la nature qui a ?rafra?chi? et fissur? l?Alliance Atlantique; la France quitta le Commandement Int?gr? de l?OTAN en pleine guerre froide totale entre les deux Blocs, Est et Ouest. De prime abord, l?on serait l?gitimement conduit ? ?voquer le g?nie ravageur ?d?espions venus du froid? du puissant KGB sovi?tique, habitu? aux ?orchestrations rouges? infaillibles. Mais les Russes n?y sont pour rien dans cette affaire. Le ma?tre d??uvre de cette formidable op?ration ?Coup de glace sur l?OTAN? n?est autre que le FLN alg?rien. Le FLN, qui a forc? le respect ? une ?chelle plan?taire par sa redoutable efficacit? gr?ce ? sa capacit? de moduler le combat sur le terrain militaire ou diplomatique, selon la conjoncture, son enti?re ind?pendance par son caract?re de mouvement de lib?ration pur, autofinanc? et r?fractaire ? toute ob?dience ?trang?re, fusse-t-elle arabe, disposait d?une ?lite dirigeante exceptionnelle. Une anecdote historique illustre cette infaillible efficience: Lucky Luciano, le chef de la maffia italo-am?ricaine qui tr?ne sur deux continents et qui avait r?ussi ? parasiter la logistique de la US Army en Italie apr?s le d?barquement du Sud de l?Europe, s?essaya plus tard dans le ?trafic? des armes organis? par le FLN en M?diterran?e ? destination de l?Alg?rie. La r?plique du FLN sur les ?affaires? de l?organisation criminelle fut si percutante qu?elle fit renoncer Lucky Luciano d?finitivement ? ses tentatives. Il fit alors une d?claration rest?e c?l?bre: ?Les Alg?riens, il vaut mieux ?tre avec eux que contre eux.? La gen?se des troubles franco-am?ricains remonte ? la rencontre du FLN avec le brillant S?nateur J.F. Kennedy. En misant sur JFK, le FLN r?alise une extraordinaire op?ration de ?d?marching? et de ?loobying? de sa cause aupr?s d?un int?ressant postulant ? la Maison-Blanche. La rencontre de JFK et du FLN pesa sur deux destins: la carri?re du plus populaire pr?sident des USA et l?avenir d?un ?tat, l?Alg?rie. Le FLN poss?de des arguments ?historiques? pour entreprendre la s?duction pr?liminaire de JFK. Alger fut la premi?re capitale ? reconna?tre la jeune nation am?ricaine proclam?e par Georges Washington et il existe un Trait? d?amiti? alg?ro-am?ricain sign? en 1795! Pendant les deux conflits mondiaux, les Am?ricains ont pu appr?cier la valeur des combattants nord-africains et surtout des Alg?riens pr?sents sur tous les fronts pour la Lib?ration de l?Europe. Les nationalistes Alg?riens amorcent t?t des contacts avec la Maison-Blanche: l?Emir Khaled ?crit au pr?sident Wilson? et la Ville de Kader aux USA rend hommage ? son a?eul, l?Emir Abdel-Kader, en reconnaissance ? son prestige universel! JFK est charm? par une rh?torique famili?re aux Am?ricains: Ind?pendance, Patriote, Libert?, Nation, Colonisation des peuples par les Empires? L?intervention du FLN ? l?ONU lors de la Question alg?rienne fait na?tre un mouvement spontan? de citoyens am?ricains pr?ts ? porter les armes aux c?tes des Alg?riens. L?onde de sympathie engrang?e par le FLN pour la cause alg?rienne sera report?e par l?opinion am?ricaine sur le s?nateur-candidat qui a choisi le camp d?un peuple opprim? et brav? un alli? atlantique. Cette sympathie capitalis?e, JFK en tirera un dividende ?lectoral d?cisif. La l?gende rapporte que JFK aurait d?clar? ? ses interlocuteurs alg?riens, ? la mani?re de sa c?l?bre d?claration de Berlin sous le blocus lorsqu?il sera pr?sident (Ich been ein Berlineer!): Ana Jaza?iri! (I am an Algerian!) pour exprimer sa sympathie. Les arguments historiques d?affinit? entre l?Am?rique et l?Alg?rie ne sont qu?une ?entr?e? savamment servie par le FLN pour mettre sur la table du S?nateur JFK une r?elle force de persuasion: le P?trole (et le Gaz) du Sahara Alg?rien. D?int?ressantes discussions sont ?chafaud?es et des perspectives commerciales ?nerg?tiques sont ?voqu?es. Pour pr?parer cet avenir commun, le FLN envoie des ?tudiants alg?riens en Am?rique pour des hautes ?tudes de l?Energie (l?actuel ministre en faisait partie). Les ?tats-majors s?natoriaux des USA, d?cideurs ?lectoraux, mesurent pour la plupart, l?importance strat?gique de l?Imported-Petrole pour l?Economie am?ricaine et la perspective de nouvelles sources d?approvisionnement les mobilise autour de la vision de JFK d?une Alg?rie ind?pendante et ?ma?tre de ses ressources?. Le rival de JFK ? la Maison-Blanche est Richard Nixon qui fera plus tard une carri?re pr?sidentielle d?sastreuse qui lui vaut un ?empeachement? et une r?sidence avort?e au White-House. Nixon, tenant d?un discours de puritanisme social rigoureux que ne renierait pas un int?griste religieux, ? l?oppos? de JFK ? la ?mondanit?? tr?s affich?e, pr?nait pour l?Am?rique, une utopique vision de l?Energie: ?The Energetic Independance?. Le FLN, qui a gagn? l?opinion am?ricaine ? sa cause et convaincu le S?nateur JFK de l?int?r?t des USA d?une Alg?rie ind?pendante et souveraine de ses ressources ?nerg?tiques, a ind?niablement pes?, par un effet retour (feed-back), sur l?investiture de J.F. Kennedy ? la Maison-Blanche. La fin tragique de JFK plonge l?Alg?rie dans un profond chagrin d? ? la perte d?un ?Grand fr?re d?armes?.