L?Alg?rien, ancien d?tenu de Guantanamo, raconte ? la presse fran?aise son s?jour dans la prison am?ricaine ? Cuba. Avec un peu d?humour, signe d?une personnalit? qui a r?sist? bien plus qu?on le pense, Lakhdar Boumedi?ne ouvre sa discussion avec le journaliste du Monde en lui confiant que, pendant sept ans et demi, son r?ve ?tait juste une pizza et un jus d?orange?. Une p?riode aussi longue et durant laquelle il n?avait pas partag? un repas avec sa famille. Rencontr? en banlieue parisienne, Lakhdar Boumedi?ne, 43 ans, go?te ses premiers jours de libert?. ?Je suis un homme normal?, dit-il au journaliste. Le quotidien rappelle que ?le 20 novembre 2008, un juge am?ricain l?a innocent? des accusations de terrorisme qui lui ont valu d??tre enferm? au camp de Guantanamo de janvier 2002 au 15 mai 2009. Il avait ?t? livr? aux Am?ricains en d?cembre 2001 par les autorit?s bosniaques, qui le soup?onnaient de vouloir fomenter un attentat contre l?ambassade am?ricaine de Sarajevo?. Notre homme portait le matricule 10005 et il confie aussi: ?C??tait mon nom l?-bas. C?est comme ?a qu?on m?appelait. Jamais Lakhdar ou Boumedi?ne. Pour aller plus vite, les gardes disaient 10K5?. Le reportage le d?crit comme ayant un visage ?maci?, une barbe grisonnante bien taill?e, les yeux noirs enfonc?s, ?Lakhdar Boumedi?ne est un rescap? de 58 kilos?, d?barqu? en France ?il y a tout juste dix jours, le 15 mai, d?un avion de l?US Air Force sur la base a?rienne d?Evreux (Eure) en provenance de Cuba. Neuf heures de voyage mains et pieds menott?s, avec seize gardes arm?s qui se sont relay?s par groupe de quatre pendant toute la dur?e du vol?. D?apr?s ses propos au Monde, Lakhdar Boumedi?ne reste encore traumatis?. Sa hantise? Etre pris d?un besoin pressant: ?Je me souvenais qu?au voyage aller, on n?avait pas le droit d?aller aux toilettes. Alors cette fois, j?avais pris mes pr?cautions: je n?avais ni mang?, ni bu avant mon d?part?, raconte-t-il. Le journal rappelle que Lakhdar est de nationalit? alg?rienne et a ?t? accueilli en France. Son ?pouse et ses filles qui, apr?s son arrestation, ?taient rentr?es en Alg?rie, l?ont retrouv? dans l?Hexagone gr?ce ? l?intervention des autorit?s fran?aises. ?N?oubliez surtout pas de remercier le pr?sident Nicolas Sarkozy, les ambassadeurs de France ? Washington et ? Alger et le consul fran?ais ? Oran?, insiste-t-il. Pour le moment, ?la famille Boumedi?ne a choisi de vivre en France. Lakhdar y a de la famille et se dit ?tre attach? ? la culture fran?aise?. Au moment de l?entretien, Lakhdar venait de sortir de l?h?pital militaire Percy de Clamart (Hauts-de-Seine), et se promenait librement au bras de Abassia, son ?pouse, de Radja?, 13 ans, et Raham, 8 ans, ses deux filles qu?il n?a pas vu grandir. Il avoue qu?il ne les a pas reconnues tout de suite. Racontant la torture subie ? Guantanamo, Lakhdar Boumedi?ne exhibe sa tenue de prisonnier, un pantalon et une veste kaki: ?R?veil ? 5 heures pour la pri?re du matin. Retour apr?s dans la cellule. 6 heures, les gardes viennent te chercher et t?am?nent dans une salle. On t?assied sur une chaise, pieds et mains menott?s et on te nourrit de force par intubation dans les voies nasales?. Lakhdar dit qu?il ne parlait ? personne, respirant l?air du dehors une fois par jour, moins d?une heure, sans jamais croiser un cod?tenu. Il dit que, de f?vrier 2006 jusqu?? sa sortie, il a refus? de se nourrir, sauf ? deux reprises: le jour de la victoire d?Obama en novembre 2008, ?puisqu?on avait ?vit? le pire avec Mc Cain?, et le jour o? les juges l?ont blanchi. Entre temps, il a perdu un peu plus de 20 kg. Il raconte, aussi, comment ses gardes l?interrogeaient sans rel?che. ?Ils voulaient des informations sur les associations caritatives musulmanes en Bosnie et sur les Arabes qui ?taient install?s ? Sarajevo, mais moi je ne savais rien l?-dessus?, dit-il. Alors en f?vrier 2003, ils l?ont soumis ? un interrogatoire serr? pendant 16 jours et 16 nuits: ??a commen?ait ? minuit et ?a durait jusqu?? 5 heures du matin. ?a s?arr?tait quelques heures, puis ?a reprenait. Ils se sont relay?s ? 6 ou 7. Au bout de la troisi?me ou cinqui?me nuit, j?ai ?t? auscult? par un m?decin de l?arm?e qui a dit aux ge?liers que tout allait bien et qu?ils pouvaient continuer?, dit-il au Monde. Employ? du Croissant rouge de Bosnie, au moment de son arrestation, Lakhdar Boumedi?ne a quitt? sa ville, Sa?da en 1990, o? il travaillait dans une cimenterie. Voulant se rendre au Golfe, ? la recherche de conditions meilleures, il se verra s?journer au Y?men, puis au Pakistan, avant de revenir au Y?men, poursuivre ses ?tudes. Il s?est rendu ensuite en Albanie, gr?ce ? un copain de Sa?da, avant que le Croissant Rouge ne l?envoie en mission ? Sarajevo.