“Plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre […] même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave.” Condorcet … Ces derniers jours le mot « peuple » est devenu la star, lui s'est affranchi de sa peur et qui se permet d'affronter de manière civilisée et pacifique un autre mot (ou maux) « le régime ». On le retrouve chez la bouche de toutes les catégories sociales, quelque soit les âges, les sexes et les catégories socio-professionnelles. Un autre mot aussi important mais légèrement décalé que le “peuple” c'est celui de « citoyen », que l'on retrouve dans certains cercles plus ou moins rationnels qui le collent de prés au “mouvement” pour ne pas se retrouver écarté par le “peuple” Ces deux mots sont présents dans la plupart des messages sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook. “Le peuple” “a choisi ses représentants”, «le peuple » devra “choisir ses représentants”, “le peuple” dit : « »Dégage », le “peuple” veut ça, il exige ça, etc.. et de temps en temps apparaît « le mouvement citoyen ». Dans les écrits nationaux c'est “le peuple” qui est privilégié, et on lui ajoutera volontiers le mot “spontané”, par contre dans certaines éditions étrangères on parlera plus de “mouvement citoyen” . L'impression qui domine c'est deux entités distinctes, la première entité est revendicative, exigeante qui fait peur à ceux qui sont en face d'elle et la deuxième en mouvement mais de façon gentille et pacifique. On parle moins de peuple pacifique et plus de mouvement pacifique citoyen. Le peuple a une cible quand le citoyen veut retrouver ses droits et il s'active aussi à respecter ses obligations. La preuve après chaque rassemblement du peuple, des citoyens nettoient les rues, le peuple manifeste, le citoyen ouvre son magasin pour apporter sa contribution. Quand quelqu'un annonce que le peuple a dit, vous êtes mal inspiré de répondre de peur d'avoir une réaction du peuple, mais quand un citoyen vous dit « moi je pense que » alors beaucoup discutent son idée soit en l'approuvant et en le remerciant soit en le désapprouvant ou carrément en le rejetant. Quand quelqu'un écrit en tant que citoyen c'est différent que lorsqu'il écrit en tant que peuple. En tant que citoyen il exprime un avis alors qu'en tant que peuple il s'approprie un pouvoir puisque il va parler au nom de tous sans avoir pour autant le droit de le faire. Le peuple n'est pas homogène, sauf qu'il partage un territoire, une langue et une religion. Et même s'il partage cela il ne les partage pas tout à fait, de la même façon et dans les mêmes proportions. Lorsque le mot citoyen est prononcé, il y une logique derrière. On peut associer plus le citoyen à “laïc” par exemple que peuple. Par contre on ne dira pas que le citoyen est musulman mais que le peuple est musulman. Et si on veut avancer un autre mot par exemple “islamisme”, c'est le mot “peuple” qui est préféré et non pas citoyen. Lorsque par contre on parle de “Tamazight”, aussi bien le citoyen que le peuple s'effacent du discours et on ne parlera que de langue, comme si le peuple “Tamazight” ou le citoyen “Tamazight” n'existent pas ou quelque part il y a une gêne qui ne s'explique pas. On dit que “pour gouverner il faut rétablir le sens des mots” et si on ne remet pas en question les mots et leur association et si on feint de ne pas voir les enjeux et les impacts, alors ce sera difficile de parler de révolution ou de 2eme république car dans la république actuelle, le mensonge, la dissimulation et l'absence de responsabilité ont une place de choix. Pour certains, le fait de réfléchir et surtout de partager ce type de réflexion, pose un problème. On ajoutera alors le mot “Uni” et on parlera de peuple uni et non pas de citoyens unis. Parler de “peuple uni” c'est facile et ça fait un bon slogan, par contre essayer d'unir des citoyens ça oblige à définir un contrat, une charte, un programme avec des date, des représentants, des lieux, etc.. c'est à dire des règles pour que les citoyens qui décident de s'unir soient conscients des rôles et des responsabilités qui les attendent ainsi que des enjeux et des impacts qu'une mauvaise formulation ou de mauvais représentants peut avoir sur l'issue d'un processus. Un peuple ne négocie pas, par contre un citoyen ou des citoyens unis et représentatifs peuvent négocier. Le peuple ne pas aller dans son ensemble dans un lieu pour négocier sauf s'il se constitue avec une équipe de citoyens représentatifs. Je vois certains entrain de se dire que celui là veut nous amener à négocier, or le “peuple” a dit “dégage Gaa3”. C'est séduisant, c'est vrai mais nous devons savoir que la séduction veut dire tromperie. Car c'est une revendication qui n'est pas facile à mettre en oeuvre et qui a la particularité de mettre en ordre de bataille les protagonistes. Quelques uns affichent des listes et chacun va de son rêve, la prison, la destitution, le limogeage, etc.. pour cet ensemble de personnes qui nous gouvernement. Et comment ? Par des marches pacifiques, joyeuses et bon enfant les vendredi sans exception. C'est vrai qu'en Allemagne, entre le 3 octobre 1989 et le 3 novembre 1989, 70.000 Allemands de l'est ont manifesté pour abattre le mur de Berlin et ils ont réussi. Dans les revendications le mot d'ordre était “liberté” et dans l'esprit des chancelleries ça voulait dire la fin de la guerre froide. En plus il y avait un vent de reforme qui a commencé par la Glasnost de Gorbatchev pour terminer par la fin du mur de Berlin. Dans le cas de l'Algérie, les mots d'ordre ont évolué de « pas de 5eme mandat », à « pas d'allongement du 4eme mandat », vers « Dégagez Gaa3 ». Dans ces considérations les choses ne sont perçues par tous de la même façon. Alors que le positionnement stratégique des puissances par rapport aux différentes forces militaires et économiques reste dominé par l'obligation de garder les équilibres des forces régionales en faisant attention à ce que toute modification soit étudiée et maîtrisée pour ne pas provoquer des effets pervers, « Dégagez Gaa3 » reste une revendication à risques pour tous ceux qui ont besoin des équilibres régionaux, car les effets d'un effondrement brutal et global du régime Algérien peut avoir une portée dévastatrice pour tous les pays de la région et cela ne peut pas être toléré. Dans les rapports entre les pays il y a des affaires et des mœurs diplomatiques, économiques et culturelles qui sont très souvent planifiés et mises en œuvre sur la base d'un modèle plus ou moins stable ou l'aléatoire est très craint. Entre les pays, il a des entreprises, des projets, des travaux, des prestations et des chiffres d'affaires, des dettes et des créances. Cela veut dire que même si le pouvoir acceptait de « Dégager Gaa3 » il ne sera possible pour les chancelleries de l'accepter qu'à travers un processus planifié et maîtrisé par ces chancelleries. Imaginons que tout l'état major militaire s'en aille et que des créances importantes vis-à-vis de la Russie ne soient plus en mesure d'être récupérées par ce pays ou que ceux qui nous fournissent des céréales ou des trains ou ceux qui nous ont donné des crédits ne trouvent plus leurs interlocuteurs chassés par la volonté du « peuple ». Les problèmes que pose toute révolution même pacifique inquiètent les voisins proches et lointains et c'est pour cela qu'ils n'apportent pas leur soutien au peuple comme on le souhaiterait. Aussi, il serait utile et judicieux de bien réfléchir s'il faut confier cette révolution pacifique au peuple ou au citoyen. Et s'il faut au mot d'ordre « Dégagez Gaa3 » que revendique le peuple, faire en sorte que « le citoyen » le nuance et l'allège afin que nous puissions rétablir nos droits bafoués et réétudier nos obligations pour que nous puissions aider notre pays à aller vers la paix et la prospérité et faire comprendre aux uns et aux autres que si nous partageons tous le besoin de stabilité, dans nos sens nous ne l'associons pas à l'immobilisme que nous propose ce régime assiégé et entouré d'incompétents notoires qui auraient du avec décence disparaître de nos écrans radars à charge pour eux d'aller subir des formations pour apprendre ce que c'est que la politique et le management. Sûr qu'ils apprendront à l'occasion ce que c'est que l'éthique et la déontologie. Enfin, Nelson Mandela, le proscrit, le banni, l'insoumis, le sage et le politique est là et il nous rappelle que « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi et cet ennemi devient votre associé « Le peuple a la faculté de rêver, ce qui l'honore, mais c'est plutôt le citoyen qui se rend tout les jours au marché, chez le boulanger, chez l'épicier du coin ou dans les administrations qui le fatiguent avec toutes ces paperasseries d'un autre âge et ces lois burlesques qui ne savent qu'interdire. C'est pour cela que c'est au citoyen rassemblé autour d'une vision et d'un projet que nous devons faire confiance, car comme le dit à juste titre Nelson Mandela « Une vision qui ne s'accompagne pas d'actions n'est qu'un rêve. Une action qui ne découle pas d'une vision c'est du temps perdu. Une vision suivie d'action peut changer le monde. » Citoyen, regarde autour de toi. Il y a d'autres citoyens qui ont le même problèmes que toi, les même contraintes que toi, le même statut que toi, rejoins les et constitue avec les autres des comités intelligents pour passer à la seconde étape que nous devons maîtriser tous les jours de samedi à Jeudi. Il y a des patriotes aussi dans les structures de l'Etat. Faisons en sorte qu'ils soient nos associés et qu'ils nous aident à avoir des lieux de rencontres dans les universités, dans les médias, dans les centres de jeunes, dans les salles de cinéma. Les débats nous aideront à la fois à comprendre les enjeux et à trouver les citoyens qui doivent représenter le « peuple ». Entretemps le « peuple » doit continuer à se rencontrer tous les vendredis pour aider les citoyens à se rencontrer et à se recentrer. Mourad Boukhelifa Homme politique, Expert Software Développer, Politologue