On serait tenté de reproduire sur la tombe de Boutef l'épitaphe sur la pierre tombale du Cardinal Richelieu : « Ci-gît un fameux cardinal Qui fit plus de mal que de bien : Le bien qu'il fit, il le fit mal Le mal qu'il fit, il le fit bien. » Dans les années 1970 alors ministre inamovible des Affaires étrangères, son collègue feu Mouloud Kacem le traitait de zanim (ذَ مِيم (Ce terme figure une seule fois dans le Coran, dans la sourate 68 La plume (Al-Qalam), mettant dans l'embarras la communauté des exégètes. Le Coran recommande au Prophète de ne pas accorder de considération à un personnage bas et vil et présenté sous une cascade de qualificatifs : prêteur de serments, vilain, diffamateur, coureur de médisance, empêcheur du bien, virulent, pêcheur consommé, grossier et de surcroît de souche rapportée (zanim). Le regretté Mouloud Kacem a vu chez son collègue des Affaires étrangères le portrait robot de ce personnage.
Dans une lumineuse pensée, Charlie Chaplin déclara : « J'ai pardonné des erreurs presque impardonnables… » C'est dire que personne ne peut pardonner des erreurs impardonnables. Les plumes du président déchu, avec leur désespérante négligence, ont commis une énième méprise en rédigeant une abominable lettre de pardon, illustrant une tradition bien établie du Prophète : « Si tu n'as aucune pudeur, alors fais ce qu'il te plaît ». Comment pardonner l'établissement en Algérie durant les vingt dernières années d'un régime qui s'apparente à la pornocratie pontificale, qui a marqué la papauté de 904 à 963 et que les Allemands désignent par l'expression « Römisches Hurenregiment » qui signifie littéralement « gouvernement romain des prostituées ». Les chroniqueurs du Moyen Âge rapportent les traits marquant de cette période : débauche, actes de cruauté et sacrilèges. Ainsi le pouvoir a été travesti en siège du secret et des privilèges. Comment pardonner à ceux qui ont imposé au peuple un président qui n'a pas su devenir le continuateur de la présidence qui l'a précédée et d'apprécier à leur juste valeur les efforts de lui avoir transmis le pouvoir intact et l'économie sur la voie de la croissance durable. Violant le serment, il s'est attelé à faire rentrer le pays dans des incertitudes maxima. En partant, il laisse le pays sans Etat ni économie. L'ambiance qui régnait à la veille de sa déchéance ressemble curieusement à la description naguère présentée par Victor Hugo dans son pamphlet Napoléon le petit : « Celui qui aune de l'étoffe n'entend pas que le mètre qu'il a dans la main lui parle et lui dit : “C'est une fausse mesure qui gouverne.” Celui qui pèse une denrée n'entend pas que sa balance élève la voix et lui dit : “C'est un faux poids qui règne.” Ordre étrange que celui-là, ayant pour base le désordre suprême, la négation de tout droit ! L'équilibre fondé sur l'iniquité ! Ajoutons, ce qui, du reste, va de soi, que l'auteur de ce crime est un malfaiteur de la plus cynique et de la plus basse espèce. A l'heure qu'il est, que tous ceux qui portent une robe, une écharpe ou un uniforme, que tous ceux qui servent cet homme le sachent ; s'ils se croient les agents d'un pouvoir, qu'ils se détrompent. Ils sont les camarades d'un pirate. » Comment demander pardon à ces millions d'Algériens réduits à une infra humanité, englués dans les horreurs d'un présent permanent sans horizon, un futur sans avenir et un incessant rétrécissement du champ des possibles. Par désespoir, ils ont préféré les atrocités de la noyade dans des embarcations de fortune que de subir les affres d'un régime unique et inique. Car en définitive, c'est d'eux qu'il s'agit et l'intellectuel français Frédéric Lordon a trouvé les mots justes : « Les Algériens sont en train de nous montrer comment on se débarrasse d'un pouvoir illégitime. C'est un très beau spectacle. Crédits : Zeddour Brahim Abdelfettah