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Le Coran

La vaste entreprise que s'est fixée notre pays, la recherche d'un passé culturel, la passionnante, l'exaltante tâche de redécouverte et de rénovation n'écartent pas l'hypothèse des véritables découvertes. Découvertes en ce sens que de nobles figures des mondes scientifique et artistique, dont les valeurs furent étouffées pendant de nombreuses années, ne sont connues actuellement que par quelques cercles, le plus souvent d'amis. Leur tâche est aujourd'hui de divulguer ce qu'ils savent. L'un d'eux a voulu rendre un vibrant hommage au cheikh Abderrahmane Ben El-Haffâf...
«Un savant allemand, d'un mérite incontestable, le docteur Strauss, a exposé sur la mission de Jésus-Christ, un système fait pour exciter la stupeur de l'Europe. Dans son idée, Jésus serait constamment occupé de calquer sa vie sur les Prophètes de l'Ancien Testament ; chacune de ces actions lui serait ainsi commandée par un texte et il ne ferait, en quelque sorte, que répéter le passé». Et l'on a démontré que le sermon de la montagne n'est pas de lui. C'est par la seule analogie que l'homme sincère peut se représenter la valeur du livre saint de l'Islam. Qu'il se donne la peine de lire l'histoire de la Bible, pour passer ensuite à celle du Coran. Quant à nous, désirant associer à notre œuvre la mémoire d'un homme remarquablement impartial, feu Sawas Pacha, chrétien d'ailleurs, nous empruntons à son étude sur la théorie du droit musulman l'histoire de la conservation et de la transmission du Coran. Histoire du Coran «La tradition conservée par les historiens, tous savants et jurisconsultes qui ont vécu dans la dernière période du second et dans la première du troisième siècle de l'Hégire, écrit Sawas Pacha, nous a fait connaître la manière dont le Coran a été transmis aux hommes par Mohammed. Le Prophète des musulmans tombait en extase toutes les fois qu'il était visité par l'ange du Seigneur. Cet état de somnolence durait aussi longtemps que la communication révélatrice se prolongeait. Revenu de ce sommeil, Mohammed faisait connaître la volonté de Dieu avec les paroles mêmes dont l'ange s'était servi ; ses compagnons les apprenaient par cœur ; la conservation dans la mémoire des chapitres du Coran était considérée comme une pratique de haute piété. «La conservation littérale de la parole de Dieu a, dans l'Islam, une grande importance législative. Les compagnons du Prophète faisaient des efforts persévérants pour graver dans leur mémoire les termes exacts et précis des révélations successives qu'il leur communiquait. Ils y apportaient une attention tellement rigoureuse que, plus qu'une fois, après avoir appris un verset, ils allaient le réciter devant le Prophète et lui demandaient s'ils l'avaient exactement retenu. Omar Faroûq, au retour d'une expédition, apprit qu'un verset avait été rendu pendant son absence ; il eut soin de l'apprendre par cœur. Il se rendit ensuite auprès du Prophète et lui récita. Le Prophète lui dit : il a été rendu tel quel. L'un des secrétaires du Prophète était chargé de transcrire toutes les communications de l'ange ; Moâwia, le fils d'Aboû-Soufiâne, l'adversaire traditionnel de Mohammed, remplit pendant un certain temps les devoirs de cette importante charge. C'était un homme distingué et savant, il était très versé dans la langue ; mais le levain de la haine n'avait pas cessé de fermenter dans son cœur. Il le montra bien. Une fois, il crut pouvoir nuire à son chef, en produisant sur le public musulman une impression contraire à celle qui formait le sens vrai d'une révélation. A la place d'une promesse, il voulut insérer dans le texte du Coran une menace. Le Prophète lui avait dicté après le nom de Dieu les mots Ghafouroûn, Rahîmoun (pardonnant, miséricordieux). Moâwia y substitua les mots Adiloun, Hakîmoun (juste, justicier). Le Prophète s'en aperçut immédiatement. Il le releva de ses fonctions et déclara que Moâwia était un homme intelligent et savant, mais d'une fidélité douteuse. Zaïd Ibn-Thâbit, qui écrivait avec une grande correction la langue arabe, succéda à Moâwia. «Le Coran a été dicté en entier du vivant du Prophète. On l'écrivait sur des papyrus, sur des os d'épaules de mouton et sur des peaux de chameau. Cependant une édition complète n'avait pas été encore entreprise ; après la mort de Mohammed, Omar Faroûq en sentit le besoin. Il insista auprès du Calife Aboû-Bakr, successeur immédiat du Prophète et le détermina à entreprendre cette œuvre. Boukhâri-Chérif, le compilateur le plus autorisé de la tradition mahométane, raconte les faits dans les termes suivants : «Zaïd Ibn-Thâbit dit : Un jour Aboû-Bakr me fit mander par Macteb-Ibn-Ehli-Yemama. Je me rendis chez lui et trouvais auprès de lui Omar ; Aboû-Bakr dit, en s'adressant à moi : Omar est venu il y a plusieurs jours ; il m'a dit que la guerre recommence sur plusieurs points et que dans les combats, les compagnons (du Prophète) et les Houffâz (ceux qui récitent le Coran de mémoire) trouvent une mort glorieuse ; le nombre de ceux qui savent le Coran par cœur diminue donc et je crains que le texte saint ne soit perdu. J'estime qu'il faut en réunir les parties et en former un ensemble. J'ai dit à Omar : Comment pouvez-vous entreprendre une œuvre que le Prophète n'a pas cru devoir accomplir ? Omar a répondu : C'est vrai, mais je jure par le Tout-Puissant que ce je vous propose est utile et nécessaire. Omar est revenu plusieurs fois à la charge à propos de cette importante question. Il me disait : Toi qui es jeune, très intelligent, sage et qui jusqu'à présent, malgré ta jeunesse, n'as pas été accusé de la moindre chose, toi qui as été le secrétaire du Prophète au moment de son inspiration, réunis les parties du Coran qui existent, rassemble les Houffâz et remplis cette tâche sacrée. J'ai répondu : Ô Calife, si tu m'avais ordonné de soulever les montagnes, un pareil ordre ne serait pas plus difficile à remplir que l'ordre que tu me donnes. J'ai insisté dans mes dires et j'ai ajouté : Vous deux, vous voulez faire une chose que le Prophète n'a pas entreprise. La réunion prit fin. Aboû-Bakr insista de son côté. Il a continué à s'adresser à moi, soit en m'appelant auprès de lui, soit en revenant me trouver jusqu'au moment où une place fut faite dans mon cœur pour ce dessein, comme dans le cœur d'Omar et d'Aboû-Bakr. J'ai résolu de ne plus abandonner cette idée et d'en commencer l'exécution. Nous avons réuni tous les morceaux de peau de chameau, tous les os d'épaule et tous les papyrus, jusqu'à ce qu'il n'en restât pas hors de nos mains. Nous avons rassemblé tous les hommes dans le cœur desquels le Coran était écrit. Ceux-ci, c'est-à-dire ceux qui savaient le mieux le Coran, ou qui le savaient entièrement par cœur, étaient en premier lieu : Oubeï Ibn Kaâb et Ali. Après eux venaient : 1. Abdoullah Ibn Abbâs ; 2. Abdoullah Ibn Omar ; 3. Abdoullah Ibn Zoubeïr ; 4. Abdoullah Ibn Massoûd. Nous sommes arrivés jusqu'à sourât Al-Tawba (IX) : «Il est absolument vrai qu'il est venu de vous (min enfoussikom) un Prophète qui est lui-même magnanime et glorifié au plus haut point, très généreux à propos des choses qui peuvent vous causer les peines, très désireux de vous réunir à son culte, très enclin au pardon et très miséricordieux envers les croyants (129)». Nous avons beaucoup cherché ce verset. Enfin, nous l'avons trouvé auprès de Houzeimet-Ibn-Thabet ; ainsi le Coran a été complété. «Du vivant d'Aboû-Bakr, cet exemplaire est resté entre ses mains ; jusqu'à la mort d'Omar, il était entre les mains de ce dernier, qui avant de mourir, le remit à sa fille Hafça, épouse du Prophète». Ici se termine le récit authentique du principal ouvrier de cette première édition du Coran. Nous savons avec la même certitude qu'en dehors des six personnage mentionnés, Zaïd, le fils d'Aboû-Bakr, Mohammed, Khâlid Ibn El-Walid, Talha et Saâd Ibn-Oubeïda, le principal dignitaire de Médine avant l'Hégire, ont beaucoup contribué, par leur collaboration, à l'accomplissement de l'œuvre dont Zaïd a été le principal ouvrier. «Les dix personnages en question se réunirent une première fois chez Omar pour se consulter sur la voie à suivre dans l'accomplissement de leur mission. Ils se réunirent par la suite dans la Mosquée. Ils savaient tous le Coran par cœur et en avaient écrit plusieurs fois les versets de mémoire, afin de s'assurer qu'ils en avaient exactement retenu les termes. Ils chargèrent cependant Bilâl, le muezzin du Prophète, de crier par toute la ville de Médine que tous ceux qui avaient des copies des versets du Coran, soit entiers, soit partiels, ou encore des passages détachés, devaient les apporter à la Mosquée et les remettre à la commission chargée de la réunion des parties du Livre Saint. On en trouva un grand nombre, surtout une grande quantité de versets que les femmes avaient fait écrire et conservaient précieusement, par piété. Ils purent donc comparer plusieurs copies et s'assurer de la parfaite exactitude du texte». (A suivre)

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