La justice est le fondement de toute société. Sans elle, il n'y a que déséquilibre, instabilité et désordre. La balance qui la symbolise et la représente dans tous les pays, dans toutes les cultures et les civilisations du monde montre l'équilibre qui doit être le sien. La justice c'est aussi le glaive qui exprime sa puissance et sa souveraineté. Elle est la mesure en même temps que la force. L'Etat fondé sur le droit est légitime à utiliser le glaive lorsque la balance est en équilibre stable. Toute instabilité de l'équilibre, a fortiori le déséquilibre, le discrédite voire le délégitime à employer la violence légale dont l'Etat sans légitimité se sert. Dans ses considérations sur la justice, Emmanuel Kant disait : « Si la justice disparaît, c'est chose sans valeur le fait que les hommes vivent sur la terre. » Autrement dit, sans justice sur la terre, la vie n'aurait aucun sens. Le peuple algérien, entre autres peuples livrés à l'arbitraire, ressent très fortement la déchéance de la justice qu'une institution aux ordres du pouvoir politique n'a cessé de rabaisser, depuis la fin de l'ordre colonial que caractérise l'injustice. L'attente de justice par le peuple algérien a été trahie comme l'ont été les textes fondateurs qui faisaient de l'idée de justice l'aboutissement de la révolution de Novembre. La déception et le désenchantement sont si grands que l'on peut, cinquante ans après l'indépendance, juger le système et les hommes qui l'ont imposé à la société algérienne. Les auteurs de la Déclaration de novembre 1954 appelaient à ce jugement. Cette déclaration commençait par ces mots : « A vous qui êtes appelés à nous juger ». Le jugement est sans appel devant la déviation de la lutte de tout un peuple pour une société algérienne faite de justice, d'égalité et de fraternité. Le juste pensé comme une vertu par Aristote et par l'islam est, pour le Stagirite, « ce qui produit et conserve le bonheur. » L'injuste n'aura été que désolation, violence, malheur et division en Algérie pourtant promise au bien-être et à l'enchantement. Le pouvoir de juger ne confère pas au pouvoir politique le droit de persécuter et de tyranniser ceux qui le contestent. Les procès de Tarek Mammeri jugé pour avoir dénoncé sur Internet la dernière mascarade électorale et de quatre militants des droits de l'homme qui aura lieu demain, illustrent bien cet état de fait en Algérie par la subordination de l'institution judiciaire au pouvoir politique.