Noyés dans un tissu urbain de plus en plus livré au fast food et autres commerces de fripiers, de prestigieux édifices culturels situés au coeur d'Alger tentent de survivre à l'usure du temps, de s'arracher au mépris des hommes et faire réconcilier la ville et ses habitants avec la culture citadine. Sauvés in extremis de la décrépitude qui menace le bâti du vieil Alger, ces édifices éparpillés sur quelque trois kilomètres le long au Front de mer forment un parcours culturel linéaire insoupçonné, apte à relancer la vie culturelle et, à terme, faire de la capitale un pôle culturel animé tout au long de l'année. De la place El-Kettani à Bab El-Oued jusqu'au Musée national d'art moderne et contemporain (MAMA), rue Larbi Ben M'hidi, en passant par le Bastion 23, le prestigieux Opéra d'Alger devenu le Théâtre national algérien (TNA) ou encore la mythique cinémathèque d'Alger, ce sont ainsi des lieux qui peuvent assurément drainer des publics variés en quête d'émotions pour peu que les programmes de qualité et l'animation suivent. La place El-Kettani, cette vaste esplanade qui surplombe de minuscules plages récemment aménagées au grand bonheur des habitants de Bab El Oued s'est spécialisée depuis son ouverture dans les spectacles nocturnes, surtout durant l'été. En juillet 2010, cet espace a accueilli le premier festival local à la fois instructif et festif "Lire en fête". A quelques mètres de l'esplanade, au c£ur même du quartier populaire de Bab El-Oued, se dresse l'imposante salle Atlas. Une construction centenaire, rouverte au public en 2008, après sa restauration au bout de deux années de travaux. Erigée sur 1.500 mètres carrés, la salle Atlas peut accueillir jusqu'à 3.000 spectateurs. Dotée d'un toit ouvrant, sa scène peut contenir pas moins de 400 artistes. En empruntant le boulevard du Millénaire, après avoir quitté l'Atlas, deux importantes bâtisses sont visibles. Le Palais des Raïs (Bastion 23) et l'Institut national supérieur de musique (INSM). Le Palais des Raïs (Bastion 23) compte parmi les monuments historiques de la ville d'Alger et représente l'un des derniers témoins qui attestent physiquement du prolongement de la Médina d'El Djazaïr (Casbah) jusqu'à la mer à l'époque ottomane (16e-19e siècle). Classé patrimoine universel par l'Unesco en 1992, le Bastion 23 est considéré comme une partie intégrante de la Casbah d'Alger, même s'il s'est détaché, sinon isolé de son environnement traditionnel suite aux différents bouleversements et restructurations qu'a subis la Casbah à l'époque française. Ce lieu en forme de groupe de maisons mauresques est ouvert quotidiennement aux visiteurs désirant découvrir un pan de la période ottomane en Algérie. Il est composé de trois palais et six maisonnettes (douirette) réservées à l'époque aux pêcheurs, et d'une salle de prière. Le Palais des Raïs qui abrite occasionnellement des expositions d'arts plastiques, des festivités dédiées à l'artisanat et sert aussi de lieu de tournage de films cinématographiques, comprend une bibliothèque, une salle d'archives et un Centre des arts et de la culture. Face au Bastion 23, une imposante bâtisse blanche d'une architecture moderne attire le regard. Il s'agit de l'Institut national supérieur de musique (INSM) qui est avant tout un établissement de formation académique de musique, d'une capacité de 250 places pédagogiques. Cet institut est déjà célèbre par son amphi-théâtre en plein air portant le nom de la diva de la chanson hawzi, Fadila Dziria. Il héberge l'orchestre national symphonique. Une succession de sites hôtes de tous les arts A quelques encablures du Palais des Rais, tout passionné du 4e art, traversant la place des Martyrs puis le boulevard Hadj-Omar, débouche sur le square Port-Saïd avant d'être accueilli par le Théâtre national d'Alger Mahieddine-Bachtarzi, l'ancien Opéra d'Alger, voisin du célèbre "Tontonville", point de chute du tout Alger intellectuel et artistique. Construit au 19e siècle, l'Opéra d'Alger fut le pôle par excellence du mouvement théâtral algérien naissant, autour de la grande figure qu'était Mahieddine Bachtarzi, fondateur de la troupe théâtrale composée de Keltoum, Nouria, Taha Lamiri et Hassane El-Hassani, entre autres noms qui ont fait la gloire du théâtre et du cinéma algériens. A quelques minutes de marche, les cinéphiles retrouveront la salle El-Mouggar. Outre la projection de films, cet espace accueille de jeunes musiciens qui s'y produisent régulièrement, alors que son élégant hall se transforme, à l'occasion, en galerie d'exposition de tableaux et de photos d'art. Pour la petite histoire, l'on retiendra également que la salle El Mouggar, beau lieu de culture s'il en est, a vu aussi naître et se structurer, dans le sillage des changements politiques de 1988-89, quelques initiatives socio-politiques, notamment le Mouvement des journalistes algériens (MJA). En se dirigeant vers le boulevard Ben-M'hidi, reconnaissable en son centre par la stèle de l'Emir Abdelkader, le promeneur découvre deux autres grands lieux culturels, l'un ancien et l'autre beaucoup plus récent : la cinémathèque d'Alger et le Musée national d'art moderne et contemporain (MAMA). Rouverte en décembre 2010 après plusieurs années de travaux de rénovation et de confortement, la cinémathèque tente de regagner son aura d'antan dans le monde du 7e art, à travers l'organisation de cycles cinématographiques dédiés aux classiques du cinéma national et étranger. D'une capacité d'accueil de plus de 400 places, la cinémathèque d'Alger qui conserve un patrimoine de 9.000 films, ambitionne de devenir un espace de débats entre spécialistes des métiers de cinéma sur l'actualité et le devenir du 7e art en Algérie. Beaucoup d'Algérois gardent un souvenir vivace de la cinémathèque d'Alger et de son fringant directeur Boudjemâa Karèche dit "Boudj". Ce personnage haut en couleurs qui a présidé aux destinées de la cinémathèque pendant plus de 30 ans a su, de l'avis général, en faire un espace culturel de qualité où se croisaient cinéastes, intellectuels artistes et autres poètes d'ici et d'ailleurs. Presque en face, par sa couleur blanche éclatante et ses vitraux d'un autre temps, le Musée national d'art moderne et contemporain (MAMA) donne l'impression d'un personnage imaginaire qui ouvre ses bras à ses visiteurs. La bâtisse imposante qui l'accueille depuis quelques années à peine, fut construite au début du 20e siècle pour abriter "les galeries de France", un grand magasin dévolu aux produits de consommation haut de gamme. Après l'indépendance en 1962, le bâtiment fut rebaptisé "Galeries algériennes" et garda la même fonction jusqu'en 1988. La faillite de l'entreprise publique qui gérait l'établissement entraîna la fermeture des lieux jusqu'à ce que le ministère de la Culture l'arrache à la décrépitude qui la menaçait. Caractérisé par une architecture néo-mauresque, le MAMA a été inauguré en décembre 2007 dans le cadre de la manifestation "Alger, capitale de la culture arabe 2007". Il abrite actuellement une exposition-hommage au plasticien Mohamed Issiakhem, autant dire une fort belle manière de finir une balade décidément inattendue.