ALGER - Les centaines d'invités de l'Instance de consultations sur les réformes politiques, qui ont défilé pendant un mois devant M. Abdelkader Bensalah et ses deux assistants, auront, à de rares exceptions près, fait de la révision de la Constitution la clé des réformes devant consolider l'objectif d'une Algérie démocratique et ouverte sur son temps. Les suggestions de la classe politique, des personnalités nationales, des syndicats et du mouvement associatif ont convergé vers une réforme constitutionnelle entendue comme le prélude à "plus de démocratie et de liberté", même si la démarche à suivre pour y parvenir n'a pas vraiment fait l'unanimité. La révision de la Constitution, mère de toutes les réformes A travers la révision de la Loi fondamentale du pays, considérée comme "la mère de toutes les réformes", les hôtes de Bensalah ont focalisé sur le principe de "l'alternance au pouvoir", chacun allant de sa proposition en ce qui concerne la limitation des mandats à la magistrature suprême, à l'exemple du Rassemblement national démocratique (RND) qui a plaidé pour une fonction présidentielle avec un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. La vision du Front de libération national (FLN) reste globale en affirmant que les réformes politiques annoncées par le président de la République, interviennent pour "approfondir" le processus de la concorde et de la réconciliation nationale et pour "soutenir" les efforts de développement entrepris dans le pays depuis 1990. Toujours au chapitre de la Constitution, il ressort des suggestions des différentes parties que la révision de ce texte fondamental doive intervenir "en priorité" avant toute autre révision de textes de loi. La vice-présidente du Conseil de la nation, Zohra Drif-Bitat a suggéré, pour sa part, la dissolution du Parlement actuel, l'élection d'une assemblée constituante, avant le 1er novembre 2011, et la désignation d'un gouvernement de transition, alors que pour Me Hocine Zahouane, le pays est dans un "état de nécessité" exigeant l'adoption d'une constitution-cadre contenant des dispositions servant de garde-fous contre tout "dérapage" pouvant survenir à l'avenir. Pour ce qui est du régime à appliquer à l'avenir, les avis divergent entre le régime présidentiel, semi-présidentiel et parlementaire, chacun avançant ses arguments. Avis divergents des personnalités nationales En revanche, la majorité des hôtes de Bensalah ont applaudi la révision des lois organiques, à savoir les lois électorale et sur les partis politiques, tout en insistant sur l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, "socle" d'une République démocratique pérenne. Plusieurs partis politiques ont ainsi appelé, dans le cadre de la révision de la loi électorale, à prôner un mode électoral uninominal à deux tours, afin d'éviter l'élimination des partis politiques n'ayant pas obtenu 5% des suffrages. Pour ces formations politiques, les élections législatives de 2012, devraient constituer la "première étape" des réformes politiques. Ces réformes qui "engagent l'avenir du pays", pour reprendre l'expression de l'ancien chef du gouvernement M. Sid-Ahmed Ghozali, doivent se concrétiser dans le cadre d'un consensus entre tous les acteurs, selon les recommandations des invités de l'Instance de Bensalah. Parmi les personnalités nationales, invitées à donner leurs suggestions, l'ancien ministre de la Défense et membre du Haut comité d'Etat, le général Khaled Nezzar, a préconisé la création d'une commission indépendante pour préparer les textes de loi à réviser dans le cadre des réformes. Le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), M. Boudjemaa Ghechir, n'est pas du même avis puisque, la révision de la Constitution devrait être, selon lui, confiée à une Assemblée constituante "représentative" dont les membres seraient "élus au suffrage universel". Pour Me Brahimi, la démocratie se concrétise par le respect de la souveraineté du peuple et des droits de l'homme, notamment le droit à la vie, l'abrogation de la peine de mort, l'égalité entre l'homme et la femme ainsi que le droit au pluralisme et à l'alternance au pouvoir. Les propositions d'autres personnalités politiques et nationales divergent dans la forme, mais convergent dans leur globalité vers le principe de la consolidation de la démocratie à l'exemple de l'ancien chef de gouvernement, Smail Hamdani, qui a mis en évidence un système politique semi-présidentiel et un équilibre entre les deux pouvoirs, législatif et exécutif. Pour M. Abdelhamid Mehri, personnalité nationale de premier plan, les réformes politiques "profondes et véritables" ont besoin d'une plus large participation des forces politiques du pays et sans aucune exclusion, au moment où l'ancien candidat à la présidentielle de 2009, Djahid Younsi, a suggéré que ces consultations gagneraient à être transformées en un "dialogue national". Oulémas et académiciens chez Bensalah Les enseignants universitaires et académiciens ont appelé à l'ouverture d'un débat national auquel prendraient part toutes les forces politiques du pays sans exclusion à travers l'organisation d'une conférence nationale. L'Association des oulémas musulmans algériens, invitée à faire part de ses recommandations, a qualifié ces consultations de "nouvelle étape historique pour l'ancrage de la démocratie". Dans le même sens, des personnalités religieuses ont mis en évidence l'importance qu'accorde la religion islamique aux consultations et concertations (la choura), qui relèvent d'un "devoir religieux et national". En ce sens, l'ancien archevêque d'Alger, Mgr Henri Teissier, a considéré que son invitation par l'Instance était un "signe que l'Algérie veut accueillir tous ses enfants". Les représentants d'associations de jeunes, de femmes et de syndicats de patronat voire des journalistes n'ont pas été en reste puisqu'on a sollicité leurs avis sur les réformes, avançant des suggestions, chacun dans son domaine, telle que les association de femmes qui ont soutenu le système des quotas au sein des assemblées élues. Les représentants des associations de jeunes ont appelé à revoir à la baisse l'âge de candidature, alors que ceux des journalistes ont plaidé pour plus d'ouverture, de liberté et surtout l'amélioration des conditions socioprofessionnelles de la corporation. Les syndicats ont insisté pour le confortement du pluralisme syndical, considérant que les syndicats autonomes devraient être associés aux réunions de la tripartite (gouvernement-patronat et UGTA). Credo de l'Instance : Consultations "larges et profondes" et respect de tous les avis Au début de ces consultations, le 21 mai dernier, le président de l'Instance de consultations sur les réformes politiques, M. Abdelkader Bensalah avait planté le décor en affirmant qu'aucun acteur politique ne sera exclu des consultations, en dehors des tenants de la violence. Le porte-parole de l'Instance, M. Mohamed-Ali Boughazi qui animait un point de presse hebdomadaire chaque samedi, avait mis en évidence le "respect" de la part de l'Instance des avis et positions émanant de toutes les composantes de la société (politique et civile) concernant le contenu et la conduite de ces consultations. Il a ainsi souligné que la commission a úuvré, dès le début de ses rencontres, à mener des consultations "larges et profondes", en évitant d'émettre, conformément à sa mission, le moindre commentaire et/ou de répondre aux critiques dont elle fait l'objet. Les consultations ont été conduites par Bensalah avec ses deux assistants Mohamed Touati et Mohamed Ali Boughazi, au terme desquelles un rapport final détaillé, reflétant "fidèlement" les avis et les propositions émis par les participants,sera soumis au président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Les propositions seront ensuite présentées au gouvernement qui élaborera, sur cette base, des projets de loi qui seront soumis à l'Assemblée populaire nationale en septembre prochain. Le président de la République avait annoncé dans son discours à la nation du 15 avril dernier des réformes politiques englobant une révision, en 2011, de l'essentiel du dispositif législatif national (loi électorale, loi sur les partis politiques, loi sur les associations, code de l'information, code de wilaya, etc.) et devant être parachevées, après les législatives de 2012, par un amendement en "profondeur" de la Constitution. La commission Bensalah n'a pas cependant réussi à recevoir tout ce que l'Algérie compte de forces politiques et sociales, certaines parties préférant boycotter carrément l'initiative présidentielle, alors que d'autres se sont contentées d'une approche épistolaire, transmettant par écrit à l'Instance leurs avis et propositions mais, de cette façon, ils auront tenu tout de même à participer au débat. Il reste que selon une source proche de cette instance consultative, il n'est pas exclu qu'elle puisse, avant la clôture officielle de ses activités, recevoir dans les prochains jours des personnalités invitées, au même titre que les autres, à exprimer leurs observations et suggestions sur les reformes et qui n'ont pas pu prendre part à ces consultations pour des "considérations personnelles".