ALGER - Le journaliste et écrivain français Edwy Plenel a affirmé samedi à Alger que le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie (2012) concernait tout autant la France et que les deux pays doivent l'assumer "sans instrumentalisation". Présent à Alger dans le cadre du 16ème Salon international du livre d'Alger (Sila) pour la présentation de son dernier livre, un long entretien avec l'historien Benjamin Stora, le journaliste français a estimé qu'il était temps d' "assumer" l'histoire liant les deux pays telle qu'elle est, "sans aucune instrumentalisation politique" ni d'un côté ni de l'autre. "La célébration du 50ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie nous (français) concerne aussi. Il est temps de l'assumer (...) au lieu de l'instrumentaliser. Nous sommes faits de cette histoire que je défends contre ceux qui ont créé la haine entre les peuples et rejettent leur propre histoire", a-t-il dit en substance. L'orateur a annoncé, a ce sujet, qu'un appel pour "la vérité et la réconciliation" sera lancé prochainement sur "Mediapart", le journal en ligne qu'il a fondé il y a quelques années suite à sa démission de la direction de la rédaction au sein du journal le Monde, concernant la répression des manifestations d'Algériens le 17 octobre 1961 à Paris. Cet appel est conçu comme le point de départ d'un programme qui s'étalera sur plusieurs mois et qui sera dédié à l'histoire de la colonisation française en Algérie. Edwy Plenel a précisé que cet appel sera adressé "d'abord aux français" de tous bords politiques, précisant qu' "il ne s'agit pas d'un appel à la repentance ni un (aveu) à la culpabilité, mais tout simplement un appel à la vérité". "Le 17 octobre me tient à cœur car ce massacre a longtemps été oublié. Ce fut là la plus grande répression d'une manifestation pacifiste. Ce fut même le plus grave massacre d'un peuple de travailleurs dans l'histoire moderne", s'est-il indigné, soulignant la nécessité historique de "reconnaître" et de "condamner" ce crime. A cet égard, le journaliste a mis en garde contre les "guerres des mémoires", qu'il juge "instrumentalisées par les pouvoirs (politiques)", afin d'en finir avec le passé et "pouvoir se projeter (enfin) dans l'avenir", a-t-il expliqué. Par ailleurs, l'invité du Sila a évoqué le rôle social du journaliste en précisant que l'engagement du journaliste et du citoyen, dans une vraie démocratie, se rejoignent, car tous les deux ont besoin de vérité des faits, d'informations et de liberté d'expression. Pour lui, le journaliste se doit de livrer à l'opinion publique toutes les informations d'intérêt général, à travers un journalisme d' "investigation" et des médias "indépendants des pouvoirs financiers et/ou politiques afin de contrer le mensonge officiel", selon ses termes. Dans cet ordre d'idées, il a relevé "toute l'importance" de la liberté de la presse dans le processus démocratique qui devrait être enclenché, selon lui, à la suite des bouleversements politiques survenus dans des pays arabes. Les évènements que connaissent certains pays arabes représentent, aux yeux de ce journaliste, une "période de transition" qui reflète la soif de Droit et de libertés chez la jeune population dans ces pays. Pour lui, l'"un des piliers de la démocratie est la liberté de l'information et le droit de savoir des citoyens". Journaliste et écrivain français, Edwy Plenel est né en 1952 à Nantes. Il a passé son enfance aux Caraïbes avant de rejoindre en 1965 Alger avec son père, lequel était en poste à l'université d'Alger. Il a terminé sa scolarité et entamé ses études supérieures à Alger où il a vécu jusqu'au début des années 1970. Le 16ème Sila qui a fermé ses portes samedi, a vu la participation de plus de 500 maisons d'éditions, algériennes et étrangères. Le Liban était l'invité d'honneur de cette édition organisée sous le slogan évocateur : "Le livre délivre".