ALGER - A voir l'audience considérable enregistrée par les spectacles au programme du 3e festival international de danse contemporaine d'Alger, qui prend fin samedi en soirée, la danse contemporaine, un nouvel art qui gagne du terrain en Algérie, semble occuper une place de choix dans les milieux de la jeunesse, branchée ou pas. Seize troupes de danse étrangères et trois algériennes se sont succédé, depuis dimanche, sur la scène du palais de la culture Moufdi-Zakaria, offrant à un public, venu nombreux à chaque soirée, des spectacles chorégraphiques mettant à l'honneur le corps, comme unique moyen d'expression. Par curiosité pour certains et passion pour d'autres, les spectateurs présents aux soirées, en famille ou entre amis, suivaient l'évolution des danseurs sur scène avec une remarquable concentration donnant l'image vivante d'une véritable communion avec les artistes. En duo, en solo ou en groupe, les danseurs ont su, le temps d'une chorégraphie, emporter le public dans une atmosphère peu commune où le corps seul est vecteur, tout en mouvements, de multiples expressions et émotions : colère, tristesse, liberté, lutte, joie... Accompagnés de musique aux genres aussi variés que divers, les danseurs ont "libéré" leurs corps de toutes pesanteur sociale, politique, religieuse ou conventionnelle pour (dé) montrer jusqu'où peut aller la création humaine au moyen de l'expression la gestuelle. L'auteur et metteur en scène, Mohamed Badawi, l'a si bien souligné dans une conférence par ces mots : "Nier le corps, le réprimer, c'est se mutiler et même cesser d'exister. Nous ne sommes pas des anges, ni des démons, mais juste des créatures terrestres dotés d'un esprit qu'on ne voit pas et d'un corps fait d'une matière qui vit et vibre". Même si la danse contemporaine représente une nouvelle approche du corps, aux contours encore flous, elle reste un art à part entière tout comme les autres genres de danse, qu'elles soient profanes ou sacrées, a estimé M. Badawi pour qui "l'Afrique représente la seule région où il n'y a aucune hypocrisie à adhérer et réagir (par l'expression corporelle) aux rythmes". La danse contemporaine, un art à encourager Une chose est sûre, cette "hypocrisie" qui existerait ailleurs, n'avait aucune place au 3ème festival de danse contemporaine d'Alger car le corps, une fois sur scène, n'avait plus de limites ou barrières qui l'empêcheraient de se mettre en mouvement, certes harmonieux et coordonnés. Le spectacle du duo suédois "Malchrowicz Grip" par exemple, traduisait parfaitement les capacités illimitées de l'homme à exprimer ses émotions, à travers des mouvements faussement "désabusés" d'une danseuse qui tente de suivre le jeu endiablé d'un contrebassiste visiblement "fou". Ainsi, près de 300 artistes algériens et étrangers ont eu l'occasion de se déployer sur scène, prouvant que la danse contemporaine a un avenir prometteur en Algérie même si elle est encore à ses premiers balbutiements. Les jeunes danseurs de la troupe de la maison de culture d'Aïn Defla ou de Tizi-Ouzou ne diraient pas le contraire. Outre les spectacles chorégraphiques, des conférences ont été données par des professionnels algériens et étrangers sur différents thèmes liés à la danse contemporaine dont "le langage corporel entre l'universel et le tribal" et "la notion du ballet, entre le traditionnel et le contemporain". Les trois premiers prix ainsi que les prix d'encouragement du festival et du jury seront remis lors de la cérémonie de clôture. Dans une conférence consacrée au programme du festival placé sous le slogan générique "Traces", Mme Fatiha Keddouri, commissaire du festival, tout en reconnaissant que la danse contemporaine était encore "timide et peu développée" en Algérie, avait estimait que cet art méritait d'être encouragé, vu l'existence de nombreux talents. Cet encouragement, selon l'oratrice, pourrait se traduire par l'ouverture d'espaces d'expression et par l'organisation de spectacles de danse contemporaine tout au long de l'année. Pour elle, cette manifestation annuelle contribuerait à donner une place à la danse contemporaine dans le champ culturel et artistique algérien.