ALGER - Les pénalités douanières encourues par les acteurs du commerce extérieur fraudeurs ont dépassé les 75 milliards de DA durant les dix premiers mois de l'année 2011, des montants appelés à augmenter avec le renforcement du contrôle du commerce extérieur, a révélé à l'APS un haut responsable des Douanes algériennes. Le bilan des pénalités pour 2011 s'annonce en hausse par rapport aux pénalités encourues en 2010 qui ont atteint 59,2 mds de DA, a indiqué Regue Benamar, directeur du contrôle à posteriori à la direction générale des Douanes (DGD), qui a tiré la sonnette d'alarme sur l'ampleur du niveau de la fraude dans le commerce extérieur. Dans le cadre de cet "important bilan", réalisé par la direction du contrôle à posteriori, les infractions de changes en 2010, ont représenté 46,2 mds de DA, des 59 mds de DA encourus par ces fraudeurs, un chiffre "qui renseigne sur le niveau de ce phénomène frauduleux, favorisé par l'embellie financière du pays et la multiplication des projets de développement impliquant des importations tout azimut", relève M. Regue. Les autres infractions constatées durant l'année passée ont trait à la fraude commerciale comme la valeur des marchandises, leurs origines, les espèces tarifaires, le détournement d'avantages fiscaux de leur destination et l'utilisation de faux documents, poursuit ce responsable. Le bilan de cette structure, qui est au début de son activité, "signifie que ce résultat peut être amélioré de façon conséquente en multipliant le nombre de constatations d'infractions à la réglementation régissant le commerce extérieur dans la mesure où les phénomènes frauduleux ne cessent de se développer et de se répandre, atteignant des proportions alarmantes", avertit ce responsable. La direction du contrôle à posteriori, mise en place en 2010 et issue de la nouvelle restructuration des services douaniers, a lancé une nouvelle conception de lutte contre la fraude, basée sur la programmation des contrôles suivant un système de gestion de risque qui permet d'orienter les contrôles vers les opérateurs et les opérations du commerce extérieur présentant un risque réel ou un potentiel de fraude. Malgré les avancées réalisées dans le cadre de cette lutte, les pertes causées par les infractions de changes "demeurent considérables", reconnaît ce responsable qui a révélé que ces dernières peuvent être cernées et quantifiées, en s'abstenant à avancer une estimation sur cette fuite de capitaux. La fraude la "plus préjudiciable" dans ce cadre est constatée par cette structure, depuis 2010, est l'utilisation des certificats de conformité de produits de complaisance, explique ce cadre des Douanes. Des centaines de conteneurs de produits contrefaits mais aussi de pièces détachées usagées et de produits pyrotechniques, ont fait objet de saisies par les services douaniers, alors qu'ils avaient obtenu préalablement des documents justifiant leur conformité, délivrés par les sociétés d'inspection étrangères avant leur expédition vers le territoire national, indique M. Regue. Plus grave encore, ces marchandises interdites à la commercialisation, qui se trouvent en situation d'abandon au niveau des enceintes portuaires et aéroportuaires, ont toutes bénéficié d'une domiciliation bancaire dont les transferts, vers les banques étrangères, ont été effectués préalablement. En juillet 2009, la Banque d'Algérie avait, dans une note réglementaire, conditionné aux importateurs l'octroi de la domiciliation bancaire par la présentation d'un certificat de conformité du produit, délivré par une société d'inspection étrangère. Une condition sur laquelle la Banque d'Algérie est revenue, en procédant avril 2011 à son annulation après que l'administration des Douanes ait fait état de plusieurs cas de fraudes et de fausses déclarations. D'ailleurs, il a été constaté par les services de Douanes que le nombre de nouvelles créations de ces sociétés d'inspection s'est multiplié à l'étranger depuis l'institution de cette note, révèle encore M. Regue. Ces sociétés délivraient un certificat de conformité de complaisance pour une somme variant entre 350 et 500 dollars par expédition et parfois des sommes beaucoup plus grandes pour des expéditions plus importantes, ajoute-t-il. "Ce sont des surcoûts inutiles et injustifiés qui sont répercutés sur le consommateur algérien et qui grèvent nos réserves de changes", souligne ce responsable. Sur ce point, M. Regue explique que le nouveau dispositif de l'opérateur économique agrée, en cours de projet, va permettre de "concilier l'impératif du contrôle avec les facilitations douanières". Sa mise en place aidera essentiellement à "contrôler les flux des importations et des exportations en ciblant d'une manière efficace les entreprises d'importations utilisant des subterfuges pour dilapider les richesses du pays", souligne M. Regue. Le pari est d'instaurer la transparence et la traçabilité dans la gestion du commerce extérieur. "C'est un véritable assainissement qui va commencer à partir de cette politique de facilitations", résume ce responsable.