ALGER - La place Tahrir, située en plein centre du Caire, continuait dimanche de faire l'objet de heurts entre forces de l'ordre et manifestants hostiles au pouvoir militaire en Egypte, après deux jours d'affrontements similaires, les plus graves depuis les violences préélectorales. Des violences à coups de pierres et de morceaux de métal ont éclaté dans la matinée, pour la troisième journée consécutive, à la place Tahrir, haut lieu de la contestation, où les affrontements ont repris vendredi et se sont poursuivis samedi faisant, selon un bilan officiel, au moins 10 morts et 500 blessés. Sur une grande avenue conduisant de la place Tahrir au siège du gouvernement, des manifestants pénétraient dans le bâtiment de l'Institut d'Egypte, incendié la veille, pour en extraire une partie des anciens manuscrits, dont une partie a brûlé, selon des correspondants de presse. En réaction à cet acte de sabotage, le ministre égyptien de la Culture, Chaker Abdel Hamid, a dénoncé une "catastrophe pour la science", et annoncé la "formation d'un comité de spécialistes de la restauration des livres et des manuscrits quand les conditions de sécurité le permettront". "Le bâtiment contenait des manuscrits très importants et des livres rares dont il est difficile de trouver l'équivalent dans le monde", a-t-il déploré samedi soir à la télévision d'Etat égyptienne, faisant état d'efforts associant "des jeunes de la Révolution, du Conseil supérieur de la Culture et des restaurateurs pour sauver ce qui peut l'être". L'établissement a été fondé en 1798 au cours de l'expédition en Egypte de Napoléon Bonaparte afin de faire progresser la recherche scientifique. Les affrontements qui ont frappé ces trois derniers jours la place Tahrir sont les plus violents depuis les heurs similaires qui avaient fait 42 morts, principalement au Caire, quelques jours avant le début, le 28 novembre, des premières législatives depuis la chute de l'ex-président Hosni Moubarak en février, chassé par une révolte populaire sans précédent. Les troubles préélectoraux avaient fait, selon des estimations officielles, 42 morts, des manifestants pour la plupart qui réclamaient devant le siège du gouvernement au Caire notamment le transfert immédiat du pouvoir du Conseil suprême des forces armées (CSFA) à une autorité civile. Ces heurts ont éclaté après qu'un manifestant hostile au CSFA eut raconté avoir été arrêté et frappé par des soldats, provoquant la colère de ses camarades, selon des témoins. Mais le Premier ministre Kamel al-Ganzouri a assuré que "ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution". "Ce n'est pas une révolution, mais une contre-révolution", a-t-il dit en imputant ces violences à des "éléments infiltrés" qui "ne veulent pas de bien à l'Egypte". Nommé fin novembre par l'armée, M. al-Ganzouri, dont le gouvernement a été investi le 7 décembre, est lui-même mis en cause par les manifestants pour avoir déjà été Premier ministre sous Hosni Moubarak. En outre, l'armée est accusée de perpétuer le système hérité du président déchu Hosni Moubarak, et de chercher à maintenir son emprise sur le pouvoir malgré ses promesses de démocratisation. Les violences qui secouent l'Egypte interviennent en plein période électorale : le scrutin législatif qui a commencé le 28 novembre et doit se poursuivre jusqu'en janvier s'est traduit par une large domination des formations islamistes, au détriment des partis libéraux et des mouvements issus de la révolte anti-Moubarak. Une première phase du scrutin, dans un tiers du pays, a donné 65% des voix aux partis islamistes dans leur ensemble, dont 36% pour les Frères musulmans et 24% pour les fondamentalistes salafistes. Les indications préliminaires sur le vote dans un deuxième tiers de l'Egypte donnent également ces deux courants largement en tête.