Synthèse de Ghada Hamrouche La situation en Egypte reste très tendue. Les manifestants ne veulent pas revoir le plafond de leur revendication. Ils ne veulent pas moins que le départ du pouvoir militaire. De nouveaux heurts ont repris, hier, entre manifestants hostiles au pouvoir militaire et forces de l'ordre au Caire, au lendemain de heurts sanglants ; le Premier ministre Kamal el-Ganzouri évoquant un risque de «contre-révolution». Le bilan des accrochages de vendredi, qui s'étaient poursuivis jusque tard dans la nuit devant le siège du gouvernement dans le centre du Caire, «est passé à huit morts et 299 blessés», a déclaré l'adjoint du ministre de la Santé, Adel Adaoui. Ces violences sont les plus graves depuis celles qui avaient fait 42 morts, principalement au Caire, entre manifestants anti-armée et forces de l'ordre, fin novembre et avant le début, le 28 novembre, des premières législatives depuis la chute de Hosni Moubarak en février, chassé par une contestation populaire. Les forces de l'ordre ont repris le contrôle, tôt dans la matinée, des abords du siège du gouvernement. D'importants effectifs de soldats et de policiers ont barré les accès à ce secteur, en déployant notamment des barbelés, à quelques centaines de mètres de la place Tahrir, épicentre de la contestation. Le Premier ministre a fait état de 18 blessés par balles, mais a assuré que «ni l'armée ni la police n'ont ouvert le feu» sur les manifestants. «Ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution», a affirmé M. Ganzouri, allusion faite à la révolte qui a débouché sur la chute du régime Moubarak. «Ce n'est pas une révolution, mais une contre-révolution», a-t-il ajouté en mettant les violences sur le compte d'«éléments infiltrés» qui «ne veulent pas de bien à l'Egypte».Les affrontements avaient débuté vendredi matin entre les forces de l'ordre et des manifestants, qui campaient, depuis fin novembre, devant le siège du gouvernement pour protester contre la nomination, par l'armée, de M. Ganzouri, qui fut déjà chef du gouvernement sous M. Moubarak. Les manifestants réclament également la fin du pouvoir militaire qui s'est mis en place au départ de M. Moubarak, et s'en prennent en particulier au chef de l'armée et chef de l'Etat de fait, le maréchal Hussein Tantaoui. Le pouvoir militaire a rendu les manifestants responsables de la violence, dans un communiqué publié la veille, les accusant d'avoir lancé des cocktail. Molotov et tiré à la chevrotine. Les Frères musulmans, en tête des élections législatives en cours, ont condamné «l'agression contre les manifestants et la tentative de les disperser», appelant l'armée à assurer leur protection. L'élection de la Chambre des députés (Assemblée du peuple), qui s'est ouverte le 28 novembre et doit encore se poursuivre jusqu'en janvier, s'est traduite par une large domination des formations islamistes au détriment des partis libéraux et des mouvements issus de la révolution. Une première phase du scrutin, dans un tiers du pays, avait donné 65% des voix aux partis islamistes dans leur ensemble, dont 36% pour les Frères musulmans et 24% pour les fondamentalistes salafistes. Les indications préliminaires sur le vote dans un deuxième tiers de l'Egypte donnent également ces deux courants largement en tête.