ALGER - La dégradation d'un cran du Fonds de soutien de la zone euro (FESF) par S&P lundi, dans le sillage de l'abaissement de la note de neuf pays de la région, a relancé un débat conflictuel sur la nécessité de renflouer ce mécanisme indispensable dans la gestion de la crise et ressuscité les craintes d'un éclatement de l'eurozone, commentent les experts. L'agence qui a abaissée d'un cran, à "AA+" la note à long terme du Fonds, prévient qu'elle pourrait la relever si des garanties supplémentaires devaient lui être accordées. La note à court terme, quant à elle, est restée stable à son plus haut niveau. "Si nous constatons que les obligations à long terme du FESF sont pleinement soutenues par les garanties des Etats membres bénéficiant d'un triple A, nous pourrions relever sa note à AAA", indique-t-elle. Ce message adressé aux quatre pays de la zone euro bénéficiant d'un triple A constitue un appel sans équivoque à l'Allemagne, le premier contributeur du FESF, mais celle-ci refuse de payer pour ses voisins en difficulté, tout en estimant que le volume des garanties du FESF suffirait à remplir ses obligations. Alors que Français et Allemands adoptent la même ligne, le sujet du renflouement du Fonds devrait être abordé lors de la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro et de l'UE les 23 et 24 janvier. La capacité de prêts actuelle du FESF est de 250 milliards d'euros environ sur une enveloppe initiale de 440 milliards, un montant insuffisant s'il fallait venir en aide à un pays comme l'Italie. Consciente des enjeux, la Banque centrale européenne (BCE) a contre toute attente offert un soutien à l'agence américaine de notation S&P, considérant indispensables "des contributions supplémentaires des pays encore notés AAA" pour que le FESF conserve "la même capacité" ou puisse prêter "au même taux", même après une dégradation. Une déclaration qui va à l'encontre des propos rassurants du FESF, qui a affirmé, sitôt la décision de S&P connue, que cela n'allait en rien "réduire sa capacité effective de prêts de 440 milliards d'euros". "Le FESF a les moyens de remplir ses engagements actuels et éventuellement d'autres, d'ici la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité (MES) en juillet", ont assuré d'une même voix son patron, Klaus Regling, et le chef de file de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Les Européens se sont mis d'accord en décembre pour avancer à juillet 2012 l'entrée en vigueur du MES, appelé à succéder au FESF, et pour faire cohabiter les deux mécanismes pendant un an, et ainsi rassurer les marchés. Là encore, des divisions importantes subsistent sur la capacité de prêts effective de ce mécanisme, les Allemands craignant une nouvelle fois de devoir aller au-delà de leurs engagements initiaux. Berlin s'est toutefois dit prêt lundi à faire un geste de bonne volonté en versant en une seule fois sa contribution au futur mécanisme de secours au lieu de l'étaler dans le temps. En outre, la dégradation en série d'Etats et d'institution européens a ressuscité les craintes des investisseurs sur l'éventualité d'une disparition de la monnaie unique. Pour atténuer ces appréhensions le président du FESF, Klaus Regling, a assuré mardi que l'abaissement de la note financière du FESF par S&P n'aura que peu de répercussions, affirmant que "l'euro ne va pas s'effondrer", et qu' "aucun pays ne sera contraint à quitter la zone euro". "Aussi longtemps qu'il ne s'agit que d'une agence de notation, il n'y a pas de réel besoin de faire quoi que ce soit", a-t-il tranché. En ce qui concerne la crise en zone euro, le président de la BCE a déclaré néanmoins que "la situation s'est encore aggravée" depuis une audition du précédent responsable de l'organisme européen Jean-Claude Trichet en octobre dernier, "nous sommes dans une situation très grave et ne devons pas nous voiler la face", a-t-il indiqué. Il a en revanche qualifié de "généralement encourageants" les efforts de rigueur budgétaire dans plusieurs pays de la zone euro, jugeant que les gouvernements avaient montré "de la volonté et de la détermination". Ces mesures de rigueur "auront pour conséquence une récession à court terme", a-t-il ajouté. "Puisque c'est inévitable, que devons-nous faire pour atténuer ces effets ?" s'est interrogé M. Draghi, en appelant à faire des "réformes structurelles" destinées à "encourager la croissance et l'emploi".