La France a perdu, avant-hier, son précieux "AAA" auprès de Standard and Poor's (SP), un coup de tonnerre pour le président Sarkozy à cent jours de l'élection présidentielle. "Ce n'est pas une bonne nouvelle" mais ce n'est "pas une catastrophe", s'est efforcé de relativiser le ministre de l'Economie François Baroin, premier à annoncer l'abaissement de la note, confirmé en fin de soirée par l'agence d'évaluation dans un communiqué. "Ce ne sont pas les agences de notation qui dictent la politique de la France", a-t-il déclaré à France 2, au sortir d'une réunion de crise à l'Elysée avec Nicolas Sarkozy, le Premier ministre, François Fillon, et la ministre du Budget, Valérie Pécresse. Standard and Poor's précise dégrader la note de la France en raison "de l'aggravation des problèmes politiques, financiers et monétaires dans la zone euro à laquelle la France est étroitement liée", tout en indiquant que la note de la France continue de "refléter son économie saine, diversifiée et solide dont la main-d'œuvre est hautement qualifiée et productive". M. Baroin a exclu que le gouvernement lance un troisième plan de rigueur, après ceux d'août et novembre 2011. Il n'y aura "pas de nouveau plan de rigueur car ce n'est pas une question de rigueur budgétaire", a-t-il estimé, attribuant la décision de SP à un "problème de gouvernance" au sein de la zone euro. Le président Sarkozy avait longtemps fait du maintien du "triple A" une priorité nationale y voyant "un objectif et une obligation". La décision de SP était attendue depuis début décembre quand l'agence avait menacé d'abaisser la note de 15 Etats de la zone euro, dont les six notés "triple A", parmi lesquels la France et l'Allemagne. Dans le cas de Paris, SP avait évoqué la possibilité d'un abaissement de deux crans. L'agence n'a finalement dégradé la France que d'un seul cran, à AA+, mais SP évalue à "au moins une chance sur trois" qu'une nouvelle dégradation puisse intervenir en 2012 ou 2013. Mais le maintien du triple A de l'Allemagne consacre un décrochage entre les deux premières économies de la zone euro. "Aujourd'hui, la France est une valeur sûre, elle peut rembourser sa dette et les nouvelles concernant notre déficit sont meilleures que prévu", a assuré Valérie Pécresse. "Notre stratégie économique ne changera pas: c'est le désendettement, la compétitivité et son potentiel de croissance", a-t-elle affirmé dans la soirée la ministre du Budget dans une interview, jugeant par ailleurs "absolument nécessaire que la convergence franco-allemande se poursuive". "La France est sur la bonne voie", a réagi le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. "Nous devons tous ensemble tenir les règles, renforcer la compétitivité, nous le faisons tous ensemble", a-t-il ajouté. Pour l'instant, Paris conserve toujours son triple A auprès des deux autres grandes agences de notation internationales, Moody's et Fitch. La rumeur de l'imminence d'une dégradation française s'est répandue en milieu d'après-midi, avant-hier, sur les marchés, avant d'enflammer la classe politique. "Cette perte du triple A sanctionne la politique suivie depuis 2007", a lancé au nom du Parti socialiste Martine Aubry, pour qui Nicolas Sarkozy "restera le président de la dégradation de la France. Le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault, a évoqué "un sentiment d'humiliation" et "la rançon d'un quinquennat calamiteux qui a affaibli la crédibilité du pays". L'abaissement de la note de la France, deuxième contributeur derrière l'Allemagne des fonds de soutien aux Etats de la zone euro en difficulté financière, risque d'ébranler ces mécanismes qui peinent déjà à endiguer la propagation de la crise. Au plan hexagonal, la perte du triple A pourrait avoir des répercussions en cascade, alors que Paris doit émettre pour 178 milliards d'euros d'obligations cette année. Une dégradation de la note financière se traduit en principe par une hausse des taux d'intérêt. Les places financières en Europe ont toutes terminées dans le rouge. Mais les marchés obligataires et les Bourses, qui avaient déjà largement intégré le risque d'une dégradation plus ou moins collective des notes, ont résisté tant bien que mal, Paris perdant seulement 0,11% et Francfort 0,58%. La note de l'Autriche abaissée L'Autriche a vu sa note de dette à long terme abaissée d'un cran du maximum de triple AAA à AA+ avec perspective négative par l'agence américaine d'évaluation financière Standard & Poors, une dégradation annoncée sur son site internet. Cette perspective négative signifie que l'agence envisage de dégrader à nouveau cette note à moyen terme. C'est la fragilité du secteur bancaire, fortement engagé en Europe de l'est et notamment en Hongrie, pays en pleine crise financière, qui a amené à cette dégradation par S & P. Dans un premier commentaire à la télévision publique autrichienne ORF, le gouverneur de la Banque centrale (OeNB), Ewald Nowotny, a souligné que cette dégradation ne faciliterait pas une issue positive à la crise en cours. Il a critiqué la décision de S & P, qui, selon lui, se comporte beaucoup plus agressivement et plus politiquement que les deux autres agences de notation, Fitch et Moody's, qui ont récemment maintenu avec une perspective stable la note tripe AAA de l'Autriche. La décision d'aujourd'hui est un acte politique car, d'un coup, toute l'Europe est concernée, a-t-il ajouté. Selon Ewald Nowotny, également gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), la dégradation de la note de l'Autriche est d'autant plus incompréhensible que ces derniers jours la tension sur les marchés financiers s'était calmée, plusieurs pays, dont l'Autriche, acquittant des taux d'intérêt en baisse pour leurs obligations d'Etat, voire, par exemple pour Vienne, un taux d'intérêt négatif sur les obligations à court terme. Pour 2012, le gouvernement autrichien prévoit un déficit public de 3,2%, qu'il envisage cependant, par de nouvelles mesures d'économies et des recettes fiscales supplémentaires, de ramener sous la barre des 3%. La dette publique doit s'établir en 2011 à 73,6% du PIB, alors que le Pacte de stabilité prévoit un maximum de 60%, et, en 2012, elle devrait s'élever à 74,6%, sous réserve de l'impact de nouvelles mesures. De plus, le gouvernement veut inscrire dans la constitution la règle d'or budgétaire. La zone euro déterminée à maintenir le triple A du FESF La zone euro s'est dite déterminée, avant-hier, à faire tout son possible pour sauvegarder le triple A de son Fonds de soutien (le FESF) après la dégradation de neuf pays en son sein dont la France, qui contribue largement à cet instrument financier. L'agence de notation Standard & Poor's a retiré le triple A de la France et de l'Autriche. Une décision qui risque de provoquer la perte du AAA du FESF. Les pays qui apportent leurs garanties au FESF affirment leur détermination à explorer les options pour maintenir son triple A, a affirmé Jean-Claude Juncker, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro dans un communiqué. La notation de ce mécanisme dépend en effet de celles des Etats de la zone euro qui le garantissent, et tout particulièrement de ceux jouissant de la meilleure note (AAA). Si les notations des pays sont abaissées, celle du FESF est de facto menacée. Or, cet instrument a besoin de sa note pour emprunter à bas coût sur les marchés et ensuite re-prêté aux Etats de la zone euro en difficulté. Consciente des enjeux, la zone euro s'est engagée vendredi soir à renforcer ses pare-feu financiers et a rappelé que le FESF dispose de ressources suffisantes pour remplir ses engagements actuels et éventuellement d'autres dans le futur, a fait savoir M. Juncker. Le Fonds dispose actuellement d'environ 250 milliards d'euros. M. Juncker a par ailleurs souligné que le mécanisme permanent appelé à prendre la suite du FESF dès cet été sera moins dépendant des notations des Etats. Le Mécanisme permanent de stabilité (MES) aura son propre capital et sera de fait moins affecté par les notations des Etats membres, indique-t-il. Cet outil doit disposer d'un capital de 500 milliards d'euros mais certains Etats estiment qu'il faudra prendre en compte la part restante du FESF tandis que d'autres jugent nécessaire d'allouer 500 milliards au seul MES, afin de le doter d'une force de frappe suffisante. Cette question sera abordée par les chefs d'Etat lors du sommet européen prévu début mars. Plus largement, la zone euro est déterminée à faire tout son possible pour surmonter la crise, améliorer les finances publiques et retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi, affirme M. Juncker. Espagne: la dégradation de la note est un héritage du passé La décision de l'agence de notation Standard & Poor's d'abaisser de deux crans la note de l'Espagne est un héritage du passé, a affirmé, avant-hier, une source gouvernementale, en assurant que l'objectif du nouveau gouvernement conservateur était la relance de l'économie. L'objectif du gouvernement est de retrouver le potentiel de croissance de l'économie espagnole pour que cette situation s'inverse dans un avenir proche, a assuré cette source. Standard & Poor's annoncé, avant-hier soir, qu'elle dégradait de deux crans, de AA- à A la note de l'Espagne, l'un des pays les plus fragilisés par la crise de la dette souveraine en zone euro, et qu'elle plaçait ce pays sous perspective négative. L'agence précise que cette perspective signifie qu'il y a au moins une chance sur trois que la note soit de nouveau baissée en 2012 ou 2013, notamment si le gouvernement ne réforme pas le marché du travail pour faire baisser un chômage très élevé, à 21,52% au troisième trimestre 2011. Nous prenons note de la décision de l'agence. C'est un héritage du passé comme d'autres, a souligné cette source du ministère de l'Economie en affirmant que la politique économique (du nouveau gouvernement) a pour objectif l'équilibre budgétaire et les réformes structurelles. Le nouveau gouvernement dirigé par Mariano Rajoy a pris ses fonctions le 22 décembre après sept ans de gestion du pays par les socialistes, alors que le pays peine à sortir de la crise qui a éclaté en 2008 et est menacé d'une nouvelle récession. L'Espagne, quatrième économie de la zone euro, devrait afficher à la fin 2011 un fort dérapage budgétaire, avec un déficit public attendu au-dessus de 8% du PIB, contre 6% promis, et prévoit un programme de rigueur de quelque 40 milliards d'euros en 2012 pour assainir ses finances et parvenir à un déficit de 4,4%. Mariano Rajoy, dans l'espoir de rassurer les marchés, a déjà annoncé des mesures destinées à redresser les comptes publics, combinant des coupes budgétaires de 8,9 milliards et des hausses d'impôts de 6,3 milliards, ainsi qu'un plan de lutte contre la fraude fiscale destiné à rapporter 8,2 milliards d'euros en 2012. Le nouveau ministre de l'Economie, Luis de Guindos, a d'ores et déjà prévenu que l'économie du pays entrerait sûrement en croissance négative au dernier trimestre 2011.