Pour les experts et spécialistes de l'eau, ouvrir un robinet ne "coule vraiment pas de source" dans nombre de pays, notamment à cause du stress hydrique, mais également de la sourde guerre que se livrent industriels et gouvernements locaux pour la distribution de cette ressource, estime, mardi à Marseille, le professeur Meddi Messahel. M. Messahel, ancien professeur à l'ENSH de Blida et expert auprès de la Ligue arabe, estime qu'en fait les enjeux actuels et à venir de l'eau résident dans l'issue de la guerre feutrée menée par les industriels de l'eau pour s'accaparer du droit de gérer et vendre cette ressource à un "moment planétaire de grand stress hydrique". Il a estimé, dans une déclaration à l'APS sur les enjeux du 6eme forum mondial de l'eau, que "nous sommes passés, depuis le forum de Marrakech d'une institution qui pense l'eau au futur à un grand forum après Istanbul pour finaliser les grands enjeux, pour arriver en 2012 à dire qu'il est grand temps de trouver des solutions urgentes". "Il est attendu de ce forum qu'il trouve des solutions urgentes pour concrétiser les objectifs du millénaire à l'orée 2015", a-t-il précisé, avant de confirmer l'existence d'une guerre feutrée entre collectivités et industriels autour de la gestion de l'eau. "Oui, il existe une guerre féroce entre les gouvernements et collectivités locales qui militent pour une gestion publique de l'eau et les grands lobbies industriels de l'eau. Le Conseil mondial de l'eau, une institution intégrant des experts intègres et compétents pour gérer ce type de problème à l'échelle mondiale, est en train d'être phagocytée par les industriels de l'eau, qu'ils soient distributeurs ou embouteilleurs", relève M. Messahel. Il a ajouté que cette guerre peut-être décryptée à travers "les contrats de gestion déléguée de l'eau octroyés par les collectivités locales. Ils (les industriels) ont en fait trouvé un filon qu'ils exploitent à plein "débit. En fait, les industriels de l'eau ont détourné pratiquement les objectifs du Conseil mondial de l'eau, qui travaille pour le droit à l'accès à la ressource à tous''. M. Messahel, également gouverneur auprès du Conseil mondial de l'eau, rappelle que "c'est ce qui a été à l'origine, au forum de Mexico, à la naissance du courant altermondialiste pour lutter justement contre le féroce lobbying au sein du Conseil mondial de l'eau. L'objectif des altermondialistes et de la société civile est également de chercher des sources de financement pour l'accès à l'eau pour tous". Le constat des altermondialistes, présents en force à Marseille, et qui tiennent leur forum dans les docks du sud, près du port de Marseille, est terrible : "la gestion et l'exploitation de l'eau sont source de juteux profits et objet d'une guerre sans merci entre les prédateurs privés" qui monopolisent en fait la gestion et la distribution de plus de 30% de l'eau qui coule dans les robinets à travers la planète. Une dérive "hallucinante'', selon des membres de "Les amis de la Terre", qui a fait réagir l'ONU à travers une résolution en juillet 2010 qui a décrété que l'accès à l'eau est un droit pour tous. Face aux très nombreuses firmes internationales de l'eau présentes en force à ce forum, les propositions du Forum alternatif devraient être contraignantes pour obliger les Etats à des solutions plus démocratiques dans la gestion de cette ressource hydrique, objet de "toutes les convoitises et d'enjeux planétaires", estime encore M. Messahel.