Une forme de commémoration des événements nationaux majeurs qui serait "plus humaine" car permettant au peuple de renouer avec son histoire et ses icônes, a été proposée par l'universitaire algérien Benamar Mediene lors du colloque international en hommage à Mouloud Feraoun, tenu jeudi à Alger. Professeur à l'université d'Aix à Marseille (sud de la France), Benamar Mediene suggère d'ailleurs que la commémoration de l'assassinat par l'Oas de l'écrivain Mouloud Feraoun devrait être "un jour de fête", tout comme l'anniversaire de l'indépendance nationale où les Algériens seraient "enfin acteurs, spectateurs et metteur en scène de leur vie et de leurs joies". Déplorant les "commémorations commémoratives" qui "endeuillent", selon lui, les célébrations nationales et les "déshumanisent", le conférencier prône le droit de fêter des événements tragiques et de raconter l'histoire de l'Algérie dans les écoles et dans toute autre tribune publique. M. Mediene souhaite que l'on puisse ainsi sortir les personnalités historiques du statut de victimes, de vulgariser leurs parcours, fussent-ils tragiques, pour pouvoir, en définitive, s'écarter d'une "vision guerrière" de l'histoire. M. Mediene a choisi, ce faisant, les personnalités historiques de Feraoun, Frantz Fanon ou encore Jean Amrouche, tout en revenant sur les conflits personnels et identitaires qu'ils ont connus, ballottés qu'ils étaient entre deux cultures et l'idéal de l'indépendance. Tout cela pour que ce "triangle humaniste" devienne, cinquante ans après le recouvrement de la souveraineté nationale, "Le polygone étoilé" de l'Algérie indépendante, lâche cet intellectuel dans une allusion claire à Kateb Yacine, une des plus grandes figures de la littérature algérienne du siècle XXe siècle. S'appuyant sur le parcours d'enseignant de Mouloud Feraoun et sur le legs intellectuel et artistique de la famille Amrouche (Jean et Taouès) ainsi que sur l'apport de Frantz Fanon, Benamar Mediene s'interroge sur "l'histoire du pays, construite en partie par l'histoire de ces hommes, pour savoir si cette une histoire est accessible et si elle intéresse encore le citoyen". Dans un registre plus littéraire, Ahmed Lanasri a évoqué l'histoire de la littérature algérienne de langue française, qui prend son départ du roman de Mouloud Feraoun "Le fils du pauvre". M. Lanasri, professeur à l'université de Lille (France), pense que le premier roman algérien en langue française était plutôt "Ahmed ben Mostafa, goumier" de Mohamed Benchérif, édité en 1920 aux Editions Payot à Paris. Cependant, l'œuvre de Mouloud Feraoun, parue en 1950, reste le premier roman algérien en langue française de la littérature universelle, qui a aussi initié la littérature moderne algérienne. Et c'est à partir de ces bases, pensent beaucoup d'intellectuels, que doit être établie l'histoire de la littérature du pays. Ouvert jeudi, le colloque sur Mouloud Feraoun qui coïncide avec la commémoration du cinquantenaire de l'assassinat, par l'Oas (Organisation de l'armée secrète-opposée à l'indépendance de l'Algérie), de l'écrivain algérien et celui du cessez le feu entre L'Aln (Armée de libération nationale) et la France occupante, se poursuit jusqu'à samedi prochain.