Plusieurs associations de défense des droits de l'homme ont dénoncé mercredi la future vente aux enchères d'une collection d'objets de torture ayant appartenu à l'ancien tortionnaire français Fernand Meyssonnier, critiquant une initiative "choquante et contraire à toute morale". L'ACAT-France (Action française pour l'abolition de la torture), Amnesty international France, la Ligue des droits de l'homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), et l'association Primo-Lévi, se sont opposés, après une réunion de coordination, dans un communiqué commun, à cette vente prévue le 3 avril à Paris. Une exposition publique est prévue le 31 mars dans un grand hôtel parisien avant la mise en vente de la collection. 350 objets composent cette collection "principalement dédiée aux objets destinés à infliger la peine de mort, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants", tels que des écrase-mains des baignoires, des entraves et des cordes d'exécution, ayant appartenu à ce tortionnaire "ancien exécuteur en chef des arrêts criminels", décédé en 2008 et qui a procédé à quelque 200 exécutions en Algérie entre 1947 à 1958. Dénonçant "commercialisation de la torture" ces associations interpellent le gouvernement pour que le contenu de cette collection " entre dans le patrimoine historique et non privé". "On refuse que des gens puissent escompter faire 20 000 euros de recettes sur des objets aussi morbides", a expliqué à la presse, au terme de cette réunion de coordination, Henri Pouillot, militant des droits de l'Homme et représentant du MRAP. "S'ils ont une valeur historique, il faut les mettre dans un musée, mais on ne peut pas laisser se disperser auprès de particuliers de tels instruments de tortures", a-t-il ajouté. "C'est pervers et macabre que des gens puissent acheter une réplique de la guillotine, une corde de pendaison, ou une baignoire", a poursuivi Henri Pouillot qui considère cette vente organisée par la maison Cornette de Saint Cyr au bénéfice de la famille de Fernand Meyssonnier "à la limite de l'apologie du crime". "Même si je ne suis pas sûr qu'il y ait dans la collection des objets de la guerre d'Algérie , je suis d'autant plus sensibilisé que je suis moi-même témoin de cette guerre , ayant été affecté pendant neuf mois à la villa Susini, qui était un centre de détention de torture", a-t-il dit. M. Pouillot a depuis, dénoncé la pratique de la torture dans plusieurs livres. "Ce qui nous choque, c'est que l'on continue de torturer dans un pays sur deux , c'est encore une pratique courante et ici en France , on fait commerce d'outils qui ont servi à torturer et à exécuter" , a déclaré pour sa part la directrice de l'association Primo-Levi. "Ce n'est pas à l'honneur de la France et de ceux qui organisent la vente, a-t-elle dit, jugeant cette vente" extrêmement dégradante pour toutes les victimes de torture". Le même jour le Conseil des ventes volontaires (CVV) estimait que la vente aux enchères de ces instruments de tortures" n'était pas illégale". S'interrogeant sur le cadre juridique entourant cette vente et après avoir consulté les ministères de la Justice et de la Culture, le CVV a conclu qu'en droit français" rien n'interdit ce type de vente qui ne peut pas être déclaré illégale". Mais une grande partie de ces objets de torture ne peuvent sortir de l'Union européenne, les autres étant soumis à une autorisation administrative, a-t-elle souligné. Le CVV a en effet trouvé un règlement européen du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger " la peine capitale , la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants". Il interdit l'importation et l'exportation hors du territoire de l'Union européenne de cette catégorie d'objets de torture. Dans certains cas, lorsqu'il s'agit d'objet de tortures détournés, ils sont soumis à une autorisation administrative. Les associations de défense des droits de l'homme comptent tenir un rassemblement le 3 avril prochain à Paris pour protester contre cette vente. Le rassemblement se tiendra devant le lieu prévu pour ces enchères, à savoir l'hôtel Salomon de Rothschild à Paris. Mais, pour l'heure rien n'est définitivement arrêté. C'est une des options étudiées au cas ou cette vente aux enchères est maintenue, ont précisé les représentants de ces associations.