La répression sanglante des manifestations pacifiques du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, notamment, était une réponse "claire" de la France coloniale aux aspirations du peuple algérien à l'indépendance, a affirmé lundi le sociologue et historien Hassan Remaoun. "La répression des manifestations pacifiques du 8 mai 1945 était une réponse claire aux aspirations du peuple algérien à l'indépendance. L'objectif était de décapiter le mouvement national", a indiqué M. Remaoun à l'APS. Les manifestations de Sétif, Guelma et Kherrata principalement viennent, selon lui, en prolongement de celles lancées par le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) dès le 1er mai 1945 dans plusieurs villes du pays, notamment à Alger, avec comme mot d'ordre la réclamation de la libération de Messali Hadj, le leader du MTLD qui incarnait le nationalisme algérien. Pour l'armée coloniale, et sous la conduite du général Duval, le 8 mai était un "prétexte" pour réprimer les populations sorties exprimer leur aspiration à l'indépendance, lâcher des milices contre les habitants des villages isolés dans les campagnes et procéder à des arrestations massives entre mai et juin 1945, a rappelé M. Remaoun. Après une participation "symbolique" à la deuxième guerre mondiale (1938-1945), d'où elle était sortie affaiblie, la France a accentué son emprise sur les colonies, réprimant tout mouvement national, "dans l'espoir, a-t-il dit, de pouvoir participer en position de force aux négociations d'après-guerre sur le plan international". Les massacres du 8 mai, qui ont marqué les mémoires, étaient, pour les Algériens, synonymes "de rupture avec le système colonial". A ce titre, M. Remaoun se range à l'idée défendue par plusieurs historiens qui s'intéressent au mouvement national, que "la guerre d'indépendance a réellement commencé à cette date-là". "Du côté algérien, on est sorti des manifestations avec l'idée que les solutions ont été toutes épuisées, que les luttes politiques ont donné tout ce qu'elles pouvaient donner dans le contexte colonial et que la seule voie qui reste, c'est la lutte armée", a-t-il expliqué. Cette idée de la voie armée comme unique solution pour accéder à l'indépendance, n'a pas tardé à être mise en pratique, puisque, a encore rappelé l'historien, deux ans plus tard, en 1947, le MTLD mettait en place l'Organisation spéciale (OS) avec comme objectif la préparation matérielle à la guerre. Finalement, neuf ans après les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, la révolution a commencé en Algérie, le 1er novembre 1954. Soixante-sept ans après ces faits sanglants, M. Remaoun, par ailleurs, chercheur associé au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran, a estimé que tout n'avait pas été dit sur ces événements sanglants. Sur le nombre exact des victimes des massacres du 8 mai et des jours qui ont suivi, il a évoqué la nécessité d'un travail de vérification des différents chiffres avancés, puisque certaines sources parlent de 80 000 victimes. Même si plusieurs travaux de recherche ont été réalisés en Algérie, en France et ailleurs, autours de ces massacres des populations, M. Remaoun a appelé à "explorer de nouvelles pistes, de chercher des témoins, des archives... pour comprendre ce qui s'est réellement passé" à Sétif, Guelma et Kherrata.