Démission surprise du Premier ministre, léger report des concertations nationales : l'incertitude politique s'est épaissie encore un peu plus mardi au Mali, au moment où les Nations unies se prononçaient en faveur d'une "approche globale" pour régler la crise dans ce pays du Sahel dont le Nord est occupé par des groupes armés depuis le printemps dernier. C'est Cheik Modibo Diarra lui-même qui a annoncé mardi matin à la télévision nationale sa démission et celle de son gouvernement quelques heures après avoir été arrêté à son domicile de Bamako par des militaires se réclamant du capitaine Amadou Haya Sanogo, ancien chef des putschistes qui avaient renversé le président Amadou Toumani Touré en mars. "Moi Cheik Modibo Diarra, je démissionne avec mon gouvernement", a déclaré M. Diarra lors d'une brève allocution à l'Office de radio-télévision du Mali (ORTM) sans donner les raisons de sa décision. Il a ensuite remercié ses collaborateurs et souhaité que "la nouvelle équipe" qui lui succédera "réussisse" sa mission. M. Diarra qui devait partir lundi à Paris afin d'y passer un contrôle médical et dont la principale mission était la reconquête du nord du pays aux mains des groupes armés, a été interpellé à son domicile de Bamako "par une vingtaine de militaires venus de Kati", base des ex-militaires putschistes, d'après son entourage. Le porte-parole de l'ex-junte malienne Bakary Mariko a assuré, sur la chaîne de télévision France 24, qu'un nouveau chef du gouvernement sera nommé "dans les prochaines heures" par le président de transition Dioncounda Traoré. Le porte-parole militaire a accusé M. Diarra de n'avoir pas agi en "homme de devoir" face à la crise au Mali mais en fonction d'"un agenda personnel". Pour lui, le départ de M. Diarra, un fervent partisan d'une intervention rapide d'une force militaire internationale dans le nord du Mali, une option rejetée par le capitaine Sanogo, "doit régler le bicéphalisme qui règne au sommet de l'Etat" et "va permettre au Mali d'agir en son nom et dans son intérêt", alors que "la communauté internationale demande au Mali de parler d'une seule voix". "L'ensemble des forces vives du Mali, avec son armée, vont prendre les décisions qui s'imposent pour sortir le Mali de la crise institutionnelle", a-t-il assuré. Ce nouveau rebondissement dans la crise malienne est intervenu peu après l'annonce du report d'un jour des concertations nationales ayant pour but d'établir une "feuille de route" pour les mois à venir entre tous les acteurs politiques, militaires, sociaux, et organisations de la société civile, qui restent divisés face sur le traitement de la crise. Convoquées par le gouvernement de transition et réclamées par la communauté internationale, ces assises, prévues initialement ce mardi, ont été maintes fois reportées en raison de dissensions au sein de la classe politique autour notamment de la composition de la commission d'organisation. La démission de M. Diarra, qui actuellement "en résidence surveillée" à son domicile, selon sa famille, intervient également au lendemain de l'appel du Conseil de sécurité de l'ONU à la nécessité de faire face rapidement à la crise dans le nord du Mali à travers ''une approche globale et stratégique''. Au terme d'une réunion consacrée au Sahel et au Mali, durant laquelle il a entendu des représentants des principales parties prenantes à cette question, le Conseil de sécurité a réaffirmé, dans sa déclaration, son ''ferme attachement à la souveraineté, à l'intégrité territoriale, à l'indépendance et à l'unité des pays de la région du Sahel''. Il a aussi exhorté les organismes compétents des Nations unies, ainsi que d'autres organisations internationale, régionale et sous-régionale à "redoubler d'efforts" pour fournir à ces pays une assistance en vue de contribuer à la sécurité et de lutter contre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme. Au cours de cette réunion du Conseil de sécurité, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahel, Romano Prodi, a soutenu que ''compte tenu des conséquences néfastes de toute action militaire, il faut redoubler d'efforts pour que les objectifs fixés soient atteints de manière pacifique''. Bamako et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont soumis à l'ONU des plans pour l'envoi d'une force internationale de 3.300 hommes dans le nord du Mali et demandent au Conseil de sécurité d'autoriser son déploiement rapidement. Cependant, plusieurs pays et organisations dont l'Algérie et l'ONU, ont mis en garde contre les conséquences graves que pourrait avoir l'intervention militaire dans ce pays privilégiant ainsi "une solution négociée" au conflit malien. L'armée gouvernementale malienne est sortie affaiblie de la chute de cette région aux mains de groupes armés qui a suivi le coup d'Etat militaire de mars dernier. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) ont décidé, lors d'une réunion lundi à Bruxelles, de lancer une nouvelle mission visant à "réorganiser" cette armée en 2013. "La mission de formation de l'UE au Mali (EUTM Mali) a pour objectif de contribuer à améliorer les capacités militaires et l'efficacité des forces armées maliennes afin de permettre, sous autorité civile, le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays", selon les conclusions de cette réunion sur le Mali.