Les habitants du petit village d'Ait Aissa Ouyahia, dans la commune d'Illilten (71 km à l'extrême sud-est de Tizi Ouzou), mènent depuis vendredi dernier un véritable combat contre la montagne qui menace de les engloutir sous des tonnes de boue et de roches qu'elle déverse sur eux, charriés par la rivière traversant la localité. Hommes, femmes et enfants du village se rassemblent, depuis ce jour, le long des berges de la rivière, les yeux rivés sur son lit guettant le moindre gonflement de son volume, synonyme d'une nouvelle coulée de boue, constate-t-on. La coulée de boue qui provient de deux endroits appelés "Tagounit Lisser" et "Agouni Semdhegh" situés sur le site dit "Tamouqilt", qu'une piste permet de relier ausite touristique d'Azrou n'Thour, s'étire sur une longueur de 5km et sur une largeur 400m par endroits, changeant de trajectoire de manière imprévisible, à cause de l'obstruction de son lit par les arbres déracinés et des rochers. Sur les hauteurs du village, Mme karima Yahoui et M. Guidir Djamel, viennent de constater que la rivière a encore changé de trajectoire. "Hier, l'eau passait par ce versant ouest et, aujourd'hui, elle creuse son lit du côté est", indiquent-ils. "Ce phénomène est imprévisible, parfois il n'y a pas d'eau dans le lit de l'oued et, subitement, la montagne gronde et la boue se remet à couler comme une lave d'un volcan", observe Mme Yahoui. La vie des villageois est désormais rythmée par les crues de l'oued. "La journée, les habitants se sentent un peu en sécurité, car nous pouvons voir au loin l'arrivée de la coulée de boue, des troncs ou des rochers et donner l'alerte, mais la nuit la vue et très réduite et nous ne pouvons prévoir d'éventuelles chutes d'arbres ou avalanches de rochers", s'inquiète, à cet effet, cette habitante d'Ait Aissa Ouyahia. Une cellule de veille installée par les villageois Aussi, afin de faire face à la montagne qui menace de leur "tomber sur la tête", les villageois ont créé un véritable réseau de surveillance fonctionnel H24 avec des équipes tournantes. Les "vigiles" d'Ait Aissa Ouyahia, se placent dans trois endroits différents, un garage, un café et un mausolée qui domine le village. Dès le déclenchement de la coulée de boue, l'alerte est donnée par le biais de téléphones portables pour demander aux gens de s'éloigner des rives de l'oued. Un système d'alerte et une cellule de veille qui ont prouvé leur efficacité, puisque aucune victime n'est à déplorer. Munis de pelles et de quelques provisions, un groupe d'hommes s'apprêtait, mercredi vers midi à prendre la route de la montagne pour rejoindre le mausolée et surveiller la montagne. Des vergers engloutis sous le limon Les habitants d'Ait Aissa Ouyahia sont des cultivateurs qui pratiquent la culture vivrière. Les femmes cultivent des potagers où elles font pousser toutes sortes de légumes et de fruits. "La boue a envahi tous les potagers qui se trouvent sur l'une des rives de l'oued", constate-t-on. Des noyers, des figuiers, des grenadiers, des poiriers, des oliviers, qui faisaient jadis la fierté des cultivatrices, trônent les racines en l'air sur la boue. Mme Yahoui déplore, à cet égard, la perte, par sa famille, de 14 sacs d'olives, récoltés cette saison, emportés par les crues. D'autres parcelles de terre, parcourues par des fissures, sont visibles le long des rives de l'oued, risquant de céder à tout moment. Des captages d'eau détruits et d'autres pollués par la boue Des captages d'eau réalisés, par les villageois sur les berges de l'oued Illilten au niveau de Tamouqilt pour l'alimentation en eau potable du hameau, ont été entièrement détruits par la coulée de boue, et d'autres sont pollués, rendant l'eau impropre à la consommation, informe, pour sa part M.Guidir. "Il y avait une vingtaine de forages avant le début de ce phénomène et actuellement il n'en reste plus que trois ou quatre", précise-t-il. Quotidiennement, un groupe de jeunes se rend au lieudit Tamouqilt pour vérifier l'état de l'eau captée et fermer les sources polluées pour éviter d'éventuels désagréments aux villageois. Genèse d'une montagne qui se déchire Le phénomène a débuté le 26 avril 2012. "Je suis monté pour vérifier les captages d'eau, car l'eau arrivait au village chargée de limon et j'ai trouvé la terre fissurée de partout", se rappelle M. Guidir. Le lendemain, le village a organisé un volontariat pour nettoyer les sources, et c'est ce jour là au soir, qu'il y a eu la première coulée. Il y avait des coulées quasi quotidiennes mais elles n'étaient pas importantes et l'oued arrivait à les contenir, soutient-il. La nuit du 5 au 6 mai de la même année, un bruit assourdissant s'est produit et une énorme coulée de boue s'est déversée sur le village, faisant fuir les habitants, ajoute M. Guidir.