Une Société savante dédiée à l'onomastique (étude des noms propres) est en voie de création en Algérie à l'initiative de plusieurs chercheurs, a-t-on appris mercredi à Oran lors d'un colloque national consacré à cette thématique. Ce projet sera concrétisé dans "les prochains jours", donnant lieu à une visibilité officielle qui va certainement donner un élan appréciable à l'onomastique algérienne, a souligné Ouardia Yermeche, membre du comité scientifique et d'organisation de cette rencontre organisée par le Centre de recherche et d'anthropologie sociale (CRASC), basé à Oran. "Toponymie et Anthroponymie en Algérie : politiques et pratiques. 50 ans après l'indépendance", est le thème de ce colloque qui réunit plusieurs compétences nationales ayant à leur actif des travaux de recherche dans les domaines abordés. La mise en place d'une Société savante sera également appuyée par l'édition d'une revue algérienne d'onomastique, a indiqué Mme Yermeche, enseignante à l'Ecole normale supérieure de Bouzaréah (Alger) et membre de l'Unité de recherche sur les systèmes de dénomination en Algérie (RASYD/CRASC) créée il y a quelques mois. Dans sa communication intitulée "L'onomastique algérienne : bilan et perspectives", Mme Yermeche a fait savoir que des démarches ont été entamées auprès de la tutelle en vue d'introduire des modules spécifiques aux formes dénominatives au sein des cursus universitaires. Ces initiatives permettront aussi d'enrichir la banque de données déjà mise en place dans le cadre des Programmes nationaux de recherche (PNR), a-t-elle dit, faisant mention du recensement, par ses soins, de 77.000 anthroponymes, tandis que le chercheur algérien Brahim Atoui a recueilli 140.000 toponymes. Ces données ne sont qu'une goutte d'eau par rapport à la réalité du terrain, a observé Mme Yermeche pour mettre en avant la nécessité pour les chercheurs de multiplier les enquêtes et les publications par rapport à ce domaine d'étude. Une réflexion sur les normes de transcription des noms propres, tant pour les noms de lieux que pour les noms de personnes, a-t-elle insisté en faisant référence aux anomalies constatées dans l'orthographe. "Les problèmes liées à la dénomination des lieux et des personnes ne peuvent trouver des solutions qu'avec le concours et la bonne volonté de toutes parties en présence, à savoir les universitaires, les institutions et la société civile de manière générale", a suggéré Mme Yermeche. De son côté, le chercheur Brahim Atoui (CRASC/RASYD) a mis en relief dans son intervention les dysfonctionnements relevés à travers les plaques de signalisation odonymiques (noms de lieux : rue, place, édifice) dans le cadre de ses investigations scientifiques. Entre autres anomalies notées, une montée d'escaliers étroite appelé avenue, une artère large dénommée rue, des emplacements de plaques inadéquats (accrochées à une fenêtre ou inscrites à même le mur), des traductions ou translittérations incorrectes (ouled el aam Hamadi en "cousin Hamadi", ou encore "Debil" alors que la bonne orthographe du nom de cette localité de la wilaya de M'sila est Ed-Dbil). Le chercheur a aussi relevé, par endroits, "un état de délabrement des plaques et une survivance des plaques de signalisations remontant à la période coloniale accrochées parfois à côté des nouvelles appellations post-coloniales". "Nommer l'espace algérien est une tâche des plus délicates, mais également des plus urgentes", a indiqué M. Atoui, faisant valoir qu'il y va de "notre souveraineté, de notre culture, de notre mémoire et de notre histoire". "C'est une opération délicate car il faut veiller à ne pas céder à des pressions de groupes d'intérêt ou de particuliers désireux de perpétuer la mémoire de personnes qui ne méritent pas autant d'honneur et de dénominations à caractère commercial", a-t-il conclu. Plusieurs communications sont au menu de cette rencontre dont les travaux sont répartis en sessions et ateliers thématiques intitulés "Onomastique : histoire, culture, recherche", "Onomastique, usages, réglementation, normalisation", "Les prénoms : usages, contexte, contraintes", "Toponymie : terrains, usages, représentations".