Des moudjahidine, anciens condamnés à mort par la justice coloniale, se sont rencontrés mercredi à Constantine pour se remémorer leur longue et angoissante attente dans les cellules du "couloir de la mort". "Nous étions des morts en sursis, mais nous n'avons jamais perdu espoir car armés d'un courage nourri par la foi qui nous aidait à ne pas sombrer dans la folie", dira un officier du groupe de choc de l'Armée de libération nationale (ALN), ex-condamné à mort par l'administration coloniale. S'exprimant au cours d'une table ronde, organisée au musée du moudjahid de Constantine pour célébrer la Journée nationale des deux martyrs guillotinés Ahmed Zabana et Abdelkader Ferradj le 19 juin 1956 à la prison de Serkadji à Alger, le moudjahid Abdelouahab Abid a évoqué le parcours révolutionnaire des deux premiers héros historiques exécutés par le colonialisme. De son nom de guerre Benyamina, M. Abid, un ancien responsable régional de la zone 5 de la wilaya II historique, est aujourd'hui chargé du devoir de mémoire du bureau national de l'association des anciens condamnés à mort (1954-1962). Il fut arrêté à Constantine et condamné à mort le 9 novembre 1960 avant d'être gracié le 24 mai 1961. La longue attente de la mort, imposée par le délai séparant la lecture de la sentence et sa mise à exécution, était "psychiquement intenable", a confié le moudjahid Benyamina à l'APS, précisant que le dernier recensement effectué par l'association dont il est membre fait état de 2.200 condamnations à mort durant la Révolution. Selon ce moudjahid, les bourreaux du colonialisme ont procédé à 241 exécutions dont 207 par guillotine, accomplies dans les prisons de Sekadji à Alger (71 exécutions), à Oran (58), à la prison militaire de la Casbah de Constantine (56) en plus de 22 exécutions sur le territoire français. "La paix des braves" de Charles De gaulle a permis de gracier, en février 1958, quelque 900 condamnés à mort, mais certains groupuscules anti-algériens et leur bras armé, l'organisation de l'armée secrète (OAS), ont fusillé 29 d'entre eux, brûlé vifs quatre autres et empoisonné un autre, a précisé le moudjahid Benyamina, avant d'annoncer l'élaboration, en cours, d'une "encyclopédie" dédiée à tous les condamnés à mort de la guerre de libération nationale.