Photo : Makine F. «On sent qu'on est mort et enterré dès la première nuit dans la cellule. On n'arrivait pas à manger avant de passer une semaine parce que le manger sentait la mort». Qui peut s'exprimer ainsi si ce n'est un condamné à mort ? Effectivement, Mustapha Boudina, président de l'Association nationale des anciens condamnés à mort (ANACM) étaient parmi ceux qui attendaient dans les couloirs des prisons françaises d'être guillotinés. Hier, au cours d'une conférence-hommage aux 22 martyrs guillotinés sur le territoire français au siège d'El Moudjahid, ce rescapé de la guillotine a estimé que les anciens condamnés à mort doivent apporter leurs témoignages en hommage à ces martyrs et au profit des générations présentes et futures. «Nous sommes les porteurs de la mémoire de ceux qui ont dignement et courageusement affronté la mort. Nous nous ferons un devoir de transmettre le message aux générations présentes et futures», a-t-il souligné lors de cette journée commémorative du 19 juin qui coïncide avec la double exécution du 19 juin 1956 de Ahmed Zabana et Abdelkader Ferradj à Alger. Le conférencier, qui a survécu aux couloirs de la mort de la prison de Lyon, a affirmé qu'il n'a pas été facile de passer par cette expérience avant d'apporter des témoignages à propos de trois exécutés par guillotine dans la prison de Lyon. Le premier est Mouloud Bouguendoura qui n'a jamais avoué avoir participé à la révolution malgré la torture qu'on lui a fait subir. «Il savait que le général De Gaulle allait l'exécuter juste après que sont avocat, Maître Bouabdallah, ait dénoncé ce fait dans le journal Le Monde», raconte M. Boudina. Le second guillotiné a été Abderrahmane Lakhlifi que le général a refusé des gracier en dépit des interventions de plusieurs chefs d'Etat. Le troisième est le courageux martyr nommé Feghoul. «Ce sont des héros anonymes. Ils ont tous dignement et courageusement affronté la mort pour que vive l'Algérie», a souligné M. Boudina qui a indiqué qu'en plus des 217 Algériens que les Français ont fait passer sous le couperet les prisons françaises comptaient, au 5 juillet 1962, un peu plus de 2 000 condamnés à la peine capitale dont 1 100 sont encore en vie. «Le nombre globale des condamnés à mort est de 2300», a-t-il précisé. Mustapha Boudina a répondu à l'occasion à l'historien français Benjamin Stora qui a imputé les crimes d'exécution par guillotine à François Mitterrand seul. Selon le président de l'ANACM, sous ce responsable 46 Algériens ont été exécutés alors que 76 l'ont été sous Charles de Gaulle. «Après l'édition du livre de Benjamin Stora en 2010, des honneurs ont été rendus en France à De Gaulle», a fait remarquer M. Boudina qui appelle les Français à ne pas faire de la politique sur le dos des Algériens.