La présidence égyptienne a rejeté mardi l'ultimatum lancé par l'armée au président Mohamed Morsi, lui laissant 48 heures pour satisfaire les "demandes du peuple", alors que les démissions se multiplient au sein du gouvernement, en signe de solidarité avec les manifestations massives à travers le pays. Le président Morsi n'aura pas attendu mardi soir pour répondre à l'ultimatum posé par l'armée égyptienne. Les militaires avaient donné 48 heures au chef de l'Etat égyptien pour satisfaire les "demandes du peuple". Dans un communiqué, la présidence rejette implicitement l'ultimatum affirmant que "la déclaration des forces armées n'a pas été soumise au président" avant sa diffusion et contient "des signes pouvant causer la confusion", se disant déterminée "à poursuivre dans la voie qu'elle a choisi pour mener une réconciliation nationale globale". Le communiqué indique que le président Morsi "poursuit ses consultations avec toutes les forces nationales afin de sécuriser la voie du changement démocratique et la protection de la volonté populaire" et dénonce "toute déclaration qui approfondirait la division" et qui "pourrait menacer la paix sociale". Dans un message lu à la télévision, les forces armées ont menacé d'imposer "une feuille de route pour l'avenir du pays et des mesures pour superviser sa mise en œuvre" si le président faillit à sa tâche. Cette feuille de route inclut plusieurs mesures : la nomination d'un président par intérim qui serait le président de la Haute Cour constitutionnelle, un Conseil présidentiel où seront représentées toutes les forces politiques, un représentant de l'armée et un Premier ministre consensuel qui serait chargé de l'économie, de la sécurité et d'une nouvelle Constitution. Un Premier ministre qui n'aura pas le droit de se présenter à la présidence. Les militaires avaient pris les rênes de l'exécutif pour un intérim entre le renversement du président Hosni Moubarak en février 2011 et l'arrivée au pouvoir de M. Morsi, premier président démocratiquement élu du pays, en juin 2012. Les démissions se multiplient au sein du gouvernement Le ministre égyptien des Affaires étrangères Mohamed Kamel Amr a présenté dans la nuit sa démission. La veille, cinq ministres ont présenté ensemble leur démission au chef du gouvernement, Hichem Qandil, selon l'agence de presse égyptienne Mena. Egalement, cinq membres du Conseil de la Choura, ou chambre haute du Parlement égyptien, avaient annoncé leur démission, citant l'échec de Morsi à soumettre des solutions à la crise politique du pays. Ces démissions interviennent au milieu des manifestations de millions d'Egyptiens qui affirment qu'ils ne quitteront les places égyptiennes que lorsque le président Morsi aura quitté son poste. A l'heure actuelle, aucune explication n'a été avancée officiellement mais l'agence officielle Mena avait déjà évoquée les intentions de démission de certains membres du gouvernement, en signe de solidarité avec les manifestants. Les partisans et adversaires du président occupent toujours la rue Les déclarations de l'armée ont été accueillies par une explosion de joie par les manifestants anti-Morsi qui ont défilé dans les rues du Caire, d'Alexandrie (nord) et d'autres grandes villes du pays. Lundi soir, à la Place Tahrir, au Caire, une marée de manifestants s'est rassemblée dans le calme pour saluer la décision de l'armée d'intervenir dans la crise. "L'armée s'est rangée aux côtés du peuple", a estimé le mouvement Tamarrod (rébellion en arabe), à l'origine de manifestations monstres dimanche. Quant aux sympathisants du pouvoir, ils étaient plusieurs centaines à camper depuis vendredi devant une mosquée d'un autre quartier du Caire pour afficher leur soutien au président Morsi. Au moins 16 personnes ont été tuées dans tout le pays en marge des manifestations. Des affrontements similaires avaient déjà fait huit morts la semaine dernière. Dans la capitale, le siège des Frères musulmans, a été en partie incendié dans la nuit de dimanche à lundi dans le quartier du Moqattam, avant d'être occupé et pillé. Le président américain Barack Obama a invité "toutes les parties à faire preuve de retenue", appelant M. Morsi pour lui faire part de son inquiétude, affirme la Maison-Blanche. La grande institution islamique Al-Azhar, basée au Caire, a indiqué craindre "un nouveau bain de sang" et s'est inquiétée de l'infiltration d'hommes armés dans les rassemblements "pacifiques". Pour sa part, l'ONU a appelé au dialogue, en soulignant que l'issue de cette nouvelle crise aurait un "impact important" sur l'évolution des autres pays de la région.