La présidence égyptienne a rejeté mardi un ultimatum lancé par l'armée au président islamiste Mohamed Morsi contesté dans la rue, engageant une épreuve de force avec les militaires alors que les défections se multiplient au sein du gouvernement. Le ministre des Affaires étrangères, Mohammed Kamel Amr, a annoncé son départ, rejoignant quatre autres ministres, dont celui du Tourisme, démissionnaires depuis la veille. M. Kamel Amr est le plus important membre du cabinet à se retirer. Les porte-parole de la présidence et du gouvernement ont également démissionné. Infligeant un revers supplémentaire au président islamiste, la justice, engagée depuis son élection dans un bras de fer avec M. Morsi, a ordonné la réintégration du procureur général qu'il avait limogé en novembre par décret présidentiel. L'ultimatum pour que soient "satisfaites les revendications du peuple", qui vient à échéance mercredi, a été lancé lundi par le commandement militaire au lendemain de manifestations massives à travers tout le pays pour exiger le départ du président issu des Frères musulmans, élu il y a tout juste un an. Affirmant que "l'Egypte ne permettra absolument aucun retour en arrière quelles que soient les circonstances", M. Morsi s'est posé en garant de la "réconciliation nationale" et de la "paix sociale", alors que l'armée avait déclaré la semaine dernière qu'elle ne laisserait pas le pays "plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles". Dans un message lu à la télévision, le commandement militaire avait quelques heures plus tôt indiqué que "si les revendications du peuple n'étaient pas satisfaites durant cette période" de 48 heures, les forces armées "annonceraient une feuille de route et des mesures pour superviser sa mise en œuvre". Il a ensuite, dans un communiqué, démenti préparer un "coup" assurant que la déclaration de son chef, le général Abdel Fattah al-Sissi, visait "à pousser tous les bords politiques à trouver une issue rapide à la crise actuelle". La principale coalition de l'opposition, le Front du salut national, a affirmé sa "confiance" dans l'armée, estimant que ses déclarations prouvaient que les militaires ne voulaient "pas s'investir en politique". "Nous ne soutenons aucun coup d'Etat militaire", a-t-elle insisté. Les militaires avaient pris les rênes de l'exécutif pour un intérim controversé entre la chute du président Hosni Moubarak en février 2011 et l'arrivée au pouvoir de M. Morsi, premier président démocratiquement élu du pays, en juin 2012. "Morsi n'est plus notre président" La presse célébrait mardi la prise de position de l'armée, al-Watan titrant sur "les 48 dernières heures du régime des Frères" musulmans, dont est issu M. Morsi, tandis que le quotidien indépendant al-Tahrir espérait: "Demain... l'Egypte sans Morsi". Les manifestants anti-Morsi rassemblés place Tahrir au Caire avaient scandé dès lundi soir: "Morsi n'est plus notre président, Sissi avec nous", descendant par dizaines de milliers dans les rues du Caire, d'Alexandrie (nord) et d'autres grandes villes du pays. "L'armée s'est rangée aux côtés du peuple", a estimé le mouvement Tamarrod (rébellion en arabe), à l'origine de manifestations monstres dimanche. Le président américain Barack Obama a invité "toutes les parties à faire preuve de retenue", appelant M. Morsi pour lui faire part de son inquiétude. M. Obama "a souligné que la démocratie ne se limite pas aux élections. Il s'agit aussi de faire en sorte que les voix de tous les Egyptiens soient entendues et représentées par leur gouvernement, y compris les nombreux Egyptiens qui manifestent à travers le pays", a précisé la Maison-Blanche. L'ONU de son côté a appelé au dialogue, en soulignant que l'issue de cette nouvelle crise aurait un "impact important" sur l'évolution des autres pays de la région. De son côté, l'Iran a appelé l'armée à respecter "le vote des électeurs" et à "soutenir le dialogue national", reprenant une demande de M. Morsi rejetée par l'opposition qui n'entend pas négocier avec le chef d'Etat. Dimanche, la foule avait déferlé dans la capitale et dans de nombreuses autres villes aux cris de "Le peuple veut la chute du régime", le slogan déjà scandé début 2011 contre le pouvoir autoritaire de Hosni Moubarak. Au moins 16 personnes ont été tuées dans tout le pays en marge des manifestations. Des affrontements similaires avaient déjà fait huit morts, dont un Américain, la semaine dernière.