L'armée égyptienne a donné hier 48 heures à Mohamed Morsi pour satisfaire les «demandes du peuple», faute de quoi elle imposerait une feuille de route, après des manifestations de masse réclamant le départ du président islamiste. «Si les revendications du peuple ne sont pas satisfaites durant cette période, (les forces armées) annonceront une feuille de route et des mesures pour superviser sa mise en oeuvre», a annoncé le commandement militaire dans un message lu à la télévision. Les opposants toujours mobilisés place Tahrir au Caire ont explosé de joie après cette déclaration qui pousse, selon eux, le président vers la sortie comme ils le réclament. «Morsi n'est plus notre président, Sissi avec nous», ont scandé les manifestants, en référence au général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et ministre de la Défense, dont le portrait est apparu à l'écran durant la lecture de la déclaration militaire. Le mouvement Tamarrod, à l'origine de manifestations monstre de dimanche, a estimé que «l'armée s'est rangée au côté du peuple». Les Frères musulmans, la formation d'où vient M.Morsi, se sont contentés de déclarer qu'ils «étudiaient» la déclaration militaire. Quatre membres du gouvernement ont quant à eux présenté leur démission, accroissant l'isolement de M. Morsi. L'armée, qui avait pris pour un an et demi les rênes de l'exécutif entre le départ de M.Moubarak et l'élection de M.Morsi en juin 2012, avait déclaré la semaine dernière par la voix du général Sissi qu'elle ne laisserait pas le pays «plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles». Dimanche, la foule avait déferlé dans la capitale et de nombreuses autres villes, aux cris de «Le peuple veut la chute du régime», le slogan déjà scandé début 2011 contre le pouvoir autoritaire de Hosni Moubarak. Face à la déferlante populaire, l'armée ne se l'est pas fait dire, les choses étaient claires il lui fallait trancher. Ce qu'elle a fait tout aussi clairement en donnant un ultimatum au président islamiste de se déterminer dans les quarante-huit heures. L'armée et la police ont été déployées dans le pays pour éviter des dérapages graves, notamment autour des établissements vitaux. Au Caire, le siège des Frères musulmans, dont M.Morsi est issu, a été en partie incendié dans la nuit dans le quartier du Moqattam, avant d'être occupé et pillé hier matin. «Les Frères musulmans ont ruiné le pays, et les dévaliser est donc justifié», expliquait un manifestant. L'opposition avait appelé à manifester au jour anniversaire de l'investiture de M.Morsi. Les cortèges de dimanche - d'une ampleur sans précédent - ont lancé «La révolution du 30 juin», affirmait hier le quotidien indépendant Al-Masry al-Youm. A quelques kilomètres de la place Tahrir, où des manifestants ont passé la nuit, les partisans du premier président élu démocratiquement de l'histoire du pays campaient également dans le faubourg de Nasr City, dans l'est de la capitale, pour soutenir la «légitimité» de M.Morsi. L'armée, qui a parlé de «millions» de manifestants hostiles à M.Morsi à travers le pays, a estimé le chiffre des pro-Morsi à 25.000. Après avoir récolté 22 millions de signatures pour une pétition réclamant le départ du président, le mouvement Tamarrod a posé quant à lui un ultimatum de 24 heures à M.Morsi accusé de dérive autoritaire et de laisser la mainmise aux Frères musulmans sur le pays.