Les bactéries qui peuplent les intestins viennent en renfort de chimiothérapies anti-cancéreuses pour les rendre plus efficaces, selon des travaux publiés jeudi. Ces observations assez étonnantes, quoique conduites sur des souris, pourraient avoir des applications pratiques pour les patients, d'après les chercheurs dont les travaux sont parus jeudi dans la revue Science. L'équipe française dirigée par le Pr Laurence Zitvogel (Institut Gustave Roussy/Inserm), avec ses collègues (Institut Pasteur, Inra/recherche agronomique), montre que la flore intestinale stimule les réponses immunitaires pour combattre un cancer lors d'un traitement à base de cyclophosphamide (CTX), l'un des médicaments les plus utilisés en chimiothérapie, contre les cancers du sein, lymphomes et certains cancers du cerveau... L'efficacité de ce médicament repose en partie sur sa capacité à entraîner le passage de certaines bactéries intestinales vers la circulation sanguine et les ganglions. Une fois dans les ganglions lymphatiques, ces bactéries (du groupe "Gram négatif") stimulent de nouvelles défenses immunitaires qui aident l'organisme à mieux combattre la tumeur cancéreuse. La flore intestinale - ou "microbiote intestinal" -, composée de 100.000 milliards de bactéries, exerce des fonctions cruciales pour notre santé comme la dégradation des aliments ingérés pour une meilleure absorption intestinale et un métabolisme optimal. Ces milliards de bactéries, qui colonisent l'intestin dès la naissance, jouent également un rôle clé dans la maturation des défenses immunitaires. Au départ c'est un effet secondaire du traitement (troubles digestifs, inflammation) qui favorise ce passage de quelques bactéries dans la circulation sanguine, en perturbant la barrière intestinale. Une fois dans la circulation, les bactéries provoquent une réaction de défenses immunitaires, qui mène au recrutement de cellules, des lymphocytes T, différentes de celles mobilisées par la chimiothérapie. "De façon surprenante, la réponse immunitaire dirigée contre ces bactéries va aider le patient à lutter encore mieux contre sa tumeur en stimulant de nouvelles défenses immunitaires", relève Laurence Zitvogel. Maintenant que ces bactéries "bénéfiques" ont été identifiées, "on devrait réussir rapidement à en fournir plus à l'organisme, notamment via des pro ou pré-biotiques et/ou une alimentation spécifique", avance cette spécialiste d'immunologie.