Le parti islamiste Enahdha au pouvoir en Tunisie, s'apprête à quitter, dans quelques jours, le gouvernement qu'il dirige, laissant ainsi place à un gouvernement indépendant transitoire dès la formation de l'instance électorale chargée de l'organisation des prochaines élections, a indiqué le quartette qui supervise le dialogue. Trois ans après la "révolution du jasmin" qui a chassé le régime de l'ancien président Zine Al Abidine Ben Ali, le troisième gouvernement de transition dont la direction est confiée à M. Mehdi Djomaâ, se prépare enfin à prendre les rênes du pouvoir avec l'objectif de parachever le processus de transition. Un processus qui a buté en raison d'une crise politique extrêmement difficile qui a tenu en haleine tout le pays depuis l'assassinat en juillet dernier de Mohamed Brahmi, le second après celui qui a coûté la vie à l'opposant Belaid Chokri en février de la même année. Dirigé par le parti islamiste Enahdha, l'exécutif avait donné son accord vers la fin de l'année écoulée, pour remettre le flambeau à un gouvernement indépendant dès la finalisation de la rédaction de la nouvelle constitution, la formation de la haute instance électorale et fixation des rendez-vous électoraux. Les partis politiques tunisiens avaient, eux, donné leur approbation à la désignation de M. Mehdi Djomaâ, ministre de l'industrie du gouvernement actuel, pour prendre la direction du prochain gouvernement qui a pour principale mission l'organisation des élections générales en 2014. Conformément au calendrier retenu lors du dialogue national, l'adoption de la nouvelle constitution aura lieu en même temps que la prise de fonctions du nouveau gouvernement d'ici au 14 janvier, date commémorant le troisième anniversaire de la déposition du président Zine Al Abidine Ben Ali. Une constitution qui criminalise l'apostasie Pendant ce temps, les membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) poursuivent le vote des différents chapitres de la nouvelle constitution du pays qui devra permettre le parachèvement du processus transitoire et l'établissement des institutions constitutionnelles avant que le gouvernement indépendant entame ses fonctions et ce, sur la base de la feuille de route convenue lors du dialogue national. La nouvelle constitution de la Tunisie criminalise "l'apostasie et l'incitation à la violence". "L'Etat est le seul garant des symboles sacrés et de l'impartialité des mosquées de toute exploitation partisane". Les députés ont rejeté les propositions qui appellent à inclure l'article disant que l'Islam est la seule source pour légiférer", adoptant cependant un le chapitre qui stipule que la "Tunisie est un Etat libre et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la république son régime". D'autre part, l'instance parlementaire tunisienne a adopté un autre chapitre de la constitution qui met en relief "le caractère républicain" des forces de sécurité et de l'armée tout en les obligeant à observer une "neutralité totale à l'égard des partis politiques". Le chapitre énonçant l'égalité entre les Tunisiennes et Tunisiens dans les droits et devoirs a également été adopté. Selon la constitution, la "priorité" est accordée aux régions et catégories les plus démunies en matière de développement, réitérant que l'Etat s'emploie à réaliser la justice sociale, le développement durable, l'équilibre entre les différentes régions et l'exploitation rationnelle des richesses naturelles sur la base des indicateurs du développement. Les points de discorde qui persistent entre les députés concernent les chapitres relatifs aux prérogatives du président de la République, du chef du gouvernement et de la composante du pouvoir judiciaire. Néanmoins, la commission parlementaire spécialisée est parvenue à mettre au point de nouveaux chapitres pour élargir les prérogatives du chef de l'Etat tout en veillant à un équilibre entre le chef de l'Etat et le Premier ministre. La constitution attendue représente la seconde de la république tunisienne après celle promulguée en juin 1959 et qui a été mise de côté juste après la "révolution du jasmin" et l'élection de l'ANC. Selon la loi en vigueur, l'adoption finale du texte exige l'approbation des deux tiers soit 145 députés au moins sur un total de 217 membres de l'Assemblée constituante. En cas d'absence de quorum lors de la séance de vote, la constitution pourrait alors être soumise à un référendum populaire, une option rejetée d'ores et déjà par la majorité des forces politiques car voyant en cela un moyen de de faire perdurer la période de transition. Par ailleurs, les observateurs estiment que le référendum pourrait attiser les tensions politiques et "enraciner" la crise politique outre l'incidence financière qu'il coutera au trésor public. Ils ont indiqué aussi que la commission des approbations au sein de l'ANC "a tranché de manière générale tous les points en suspens entre les forces politiques ce qui fera de l'adoption du projet de constitution le 14 janvier prochain une évidence qui balaiera d'emblée l'idée de référendum populaire.