Alors que le virus Ebola continue à progresser en Afrique de l'ouest et commence à franchir les frontières, la communauté internationale peine à mettre en place un plan de lutte efficient capable de stopper la propagation qui pourrait atteindre début décembre 5.000 à 10.000 nouveaux cas par semaine, selon des estimations de l'OMS. Le taux de mortalité des malades contaminés par le virus Ebola peut atteindre 70 % dans les trois pays le plus touchés en Afrique de l'Ouest (Liberia, Sierra Leone, Guinée), soit 5.000 à 10.000 nouveaux cas par semaine d'ici décembre, a indiqué mardi Bruce Aylward, adjoint au Directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, a déclaré lundi que l'épidémie d'Ebola, mettait en lumière les risques que font peser les inégalités croissantes dans le monde. "Dans ma longue carrière dans la santé publique, je n'ai jamais vu une crise sanitaire susciter une telle peur et une telle terreur, bien au-delà des pays affectés", a dit Mme Chan via un communiqué. Efforts déployés insuffisants Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon et le président américain Barack Obama ont exhorté lundi la communauté internationale à redoubler d'efforts pour lutter contre l'épidémie d'Ebola qui fait des ravages dans trois pays d'Afrique de l'Ouest. Parallèlement, M. Obama et son homologue français François Hollande ont par ailleurs souligné la nécessité de mettre en place rapidement des centres de traitement dans les pays africains touchés. "Tous les pays ont un rôle à jouer", ont souligné les deux hommes. Les personnels de l'ONU luttent contre l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'ouest, mais certains objectifs pourraient ne pas être atteints, a assuré lundi le chef de la Mission chargée de coordonner la réponse d'urgence à Ebola (UNMEER), Anthony Banbury, demandant plus d'aide de la part des Etats. Le déploiement effectif de l'ensemble des moyens de la mission, initialement prévu dans les trente prochains jours, pourrait accuser des retards. En visite récemment dans trois pays touchés, M. Banbury a émis son souhait s'associer aux gouvernements en place, aussi bien pour stopper l'épidémie que pour l'effort de reconstruction qui devra suivre. Il a ajouté avoir besoin de "l'aide de plus de pays, de leurs militaires, de leurs civils, de leurs personnels de santé". "Il est encore temps de nous battre et de gagner la bataille", avait-il cependant estimé, insistant sur la prévention et la préparation dans les pays pas encore touchés. Si certains pays touchés d'Afrique de l'Ouest connaissent un ralentissement du rythme des contaminations dans certaines des régions, l'épidémie a atteint d'autres pays qu'on croyait presque immunisés. Les Etats-Unis qui viennent de détecter un deuxième cas infecté par le virus, un soignant de l'hôpital texan qui s'était occupé d'un patient libérien décédé la semaine passée, viennent d'annoncer la création d'une équipe d'intervention contre l'Ebola capable d'intervenir "en quelques heures" au niveau de n'importe quel hôpital américain. L'Espagne sera en principe libérée le 27 octobre des risques de contamination du virus Ebola liés au cas de l'aide-soignante malade depuis le 6 octobre, a estimé lundi le directeur de l'hôpital où elle est soignée à Madrid, Antonio Andreu ajoutant que la situation est "sous contrôle". Conséquences fâcheuses sur l'économie des pays touchés Du point de vue de la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, "l'épidémie met en lumière les risques que font peser les inégalités économiques et sociales grandissantes dans le monde. Les riches reçoivent les meilleurs soins et on laisse mourir les pauvres". La Banque mondiale estime que 90% des pertes économiques lors d'une flambée épidémique, l'Ebola entre autres, sont dues aux tentatives irrationnelles et sans coordination du grand public pour éviter l'infection. Selon l'institution, l'épidémie pourrait coûter plus de 32 milliards de dollars à l'Afrique de l'Ouest d'ici fin 2015. C'est dans ce sens que la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a appelé la communauté internationale à ne pas isoler les populations des pays africains touchés par le virus Ebola. Elle a appelé à ne pas isoler la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone, où est concentrée l'épidémie. "La mobilisation de la communauté internationale "doit servir à éradiquer Ebola, pas à isoler les pays eux-mêmes", a-t-elle insisté. Ailleurs sur le continent africain, "les affaires doivent continuer, les économies doivent continuer à agir et à créer des emplois", a-t-elle ajouté. Quelques notes d'espoir Quelques notes d'espoir ont émaillé la chronique de cette épidémie pour laquelle le monde ne dispose encore ni de traitement éprouvé ni de vaccin. A Moscou, la ministre de la Santé Veronika Skvortsova a assuré que la Russie avait mis au point trois vaccins qui pourraient être prêts "dans les six mois à venir". Des essais cliniques d'un vaccin, en phase de test aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ont récemment débuté au Mali, a indiqué le ministre de la Santé de ce pays, Ousmane Koné. Le Royaume-Uni s'est dit prêt à faire face à une éventuelle arrivée du virus sur son territoire après un exercice de grande ampleur impliquant des centaines de personnes. Pour ceux qui l'ignorent, l'origine de l'épidémie, qui sévit officiellement depuis mars, semble avoir eu pour foyer la partie forestière de la Guinée, dans la préfecture de Guéckédou, une zone frontalière avec la Sierra Leone et le Liberia. Plusieurs théories ont été échafaudées pour expliquer l'émergence du virus en Afrique de l'Ouest. Deux explications sont avancées: l'arrivée de chauves-souris infectées migratricesdepuis l'Afrique centrale, ces animaux étant capables de parcourir de longues distances, ou bien la contamination progressive des populations de chauves-souris depuis l'Afrique Centrale vers l'Afrique de l'Ouest. Il est également possible que le virus ait été présent depuis des années parmi les chauves-souris d'Afrique de l'Ouest et que les conditions pour le déclenchement d'une épidémie ne se soient pas présentées avant. Dans une étude publiée le mois dernier, des chercheurs de l'Université d'Oxford (Etats-Unis) estimaient pour leur part que plus de 22 millions de personnes vivaient, en Afrique, dans des régions présentant toutes les conditions pour que le virus Ebola se transmette de l'animal à l'homme. Ebola a fait plus de 4.000 morts depuis le début de l'année sur quelque 7.400 cas recensés dans sept pays, essentiellement au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée.