L'Envoyé spécial du secrétaire générale de l'Onu pour la région des Grands Lacs, Said Djinnit, a été dépêché mardi au Burundi, où des troubles pré-électorales se poursuivaient suite à la désignation par le parti au pouvoir du président sortant Pierre Nkurunziza comme candidat pour un troisième mandat, en prévision de la présidentielle du 26 juin prochain. M. Djinnit aura des consultations avec le président Nkurunziza et d'autres autorités gouvernementales, les dirigeants de partis politiques et les membres du corps diplomatique accrédité à Bujumbura. La désignation samedi par le parti présidentiel Cndd-FDD de Pierre Nkurunziza comme son candidat à la présidentielle du 26 juin a déclenché des manifestations dans la capitale émaillées, en périphérie, d'affrontements sporadiques avec les forces de l'ordre. Ces manifestations ont été violemment réprimées par la police. L'opposition au Burundi estime inconstitutionnel un troisième mandat du président sortant, la loi fondamentale du pays limitant à deux le nombre des mandats présidentiels. Les partisans de M. Nkurunziza font valoir que son premier mandat (2005-2010) n'est pas concerné par cette disposition puisqu'il avait été élu alors par le Parlement et non au suffrage direct. Dialogue des sourds Aucun des camps n'entendait céder au Burundi: un président qui "ne reculera pas" et des opposants à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza déterminés à poursuivre leurs manifestations, débouchées sur des affrontements, se poursuivaient depuis dimanche. "On ne recule pas, ça c'est hors de question", a déclaré Willy Nyamitwe, conseiller en communication du chef de l'Etat, estimant que le parti au pouvoir (Cndd-FDD) avait "le droit de présenter son candidat à la présidentielle de 2015 comme tous les autres partis". Au moins cinq personnes ont été tuées depuis dimanche dans les violences. Selon la police, 37 policiers ont été blessés. La police a jusqu'ici empêché les manifestants de quitter les quartiers périphériques de la capitale Bujumbura et de rejoindre le centre-ville, resté calme. Mais l'opposition, dont l'objectif est précisément de rallier le centre-ville, n'entend pas renoncer. Par ailleurs, l'Agence de régulation et de contrôle des télécoms (ARCT) au Burundi a demandé, mardi, aux opérateurs, de téléphones portables de suspendre plusieurs réseaux sociaux. Selon les observateurs locaux, cette décision est conséquente aux manifestations qu'a connu Bujumbura depuis la désignation M. Nkurunziza comme son candidat à la présidentielle du 26 juin. Les autorités burundaises ont interdit les manifestations -- qu'elles qualifient de "soulèvements" -- à travers tout le pays. Mardi, la présence policière a été renforcée dans les quartiers périphériques, où des incidents se sont de nouveau déroulés. Pour enrayer les protestations, les autorités ont aussi fermé la RPA, radio indépendante la plus écoutée du pays, accusée de relayer les appels à manifester, et arrêté des centaines de personnes. Parmi elles, une figure de la société civile, Pierre-Claver Mbonimpa, patron de la principale organisation de défense des droits de l'homme du pays, qui avait appelé à descendre dans la rue. Le militant a été relâché mardi après-midi. Un mandat d'arrêt a aussi été émis contre Vital Nshimirimana, principal organisateur au sein de la société civile de la campagne anti-Nkurunziza. La communauté internationale appelle à la retenue Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui a condamné la vague de violence au Burundi, a invité les autorités de ce pays à faire respecter les droits de l'Homme de tous les Burundais, y compris la liberté de réunion, d'association et d'expression, demandant aux services de sécurité "de rester impartiaux et de faire preuve de retenue face aux manifestations publiques". Il a également exhorté toutes les parties à "rejeter la violence" et à éviter de faire monter la tension. Avant la guerre civile, qui a fait des centaines de milliers de morts, l'histoire post-coloniale du Burundi avait déjà été marquée par les massacres interethniques. L'ONU a aussi affirmé que plus de 5.000 Burundais, terrorisés par le climat à l'approche des élections, avaient fui au Rwanda en deux jours. Au total, quelque 21.000 Burundais se sont réfugiés dans ce pays voisin depuis début avril. Mardi, l'Union européenne a dénoncé "l'intimidation et la violence" dans le pays. La France, qui a "déploré" lundi les affrontements à Bujumbura, a appelé à des élections "transparentes et pacifiques".