La trêve humanitaire entrée en vigueur vendredi au Yémen n'aura duré finalement que quelques heures. Le pays a été de nouveau le théâtre de violents combats et de raids aériens de la coalition arabe, conduite par l'Arabie Saoudite, contre des positions des rebelles Houthis. Entrée en vigueur vendredi à 23h 59 locales et censée durer jusqu'à la fin du mois de Ramadhan, le 17 juillet, cette pause a été aussitôt violée dans plusieurs régions du pays, notamment dans le sud en guerre depuis des mois. Dans la nuit de dimanche à lundi, au moins dix civils ont été tués dans une nouvelle série de raids de l'aviation de la coalition conduite par l'Arabie saoudite dans la capitale Sanaa, selon des sources militaires. Les avions de la coalition ont bombardé plusieurs points d'implantation des Houthis dans les banlieues nord d'Aden, deuxième ville du pays, a précisé un responsable militaire progouvernemental venant confirmer l'échec de l'ONU à instaurer une pause dans ce conflit qui dure depuis fin mars. Le Conseil de sécurité de l'ONU ainsi que l'Union européenne (UE) avaient pourtant exhorté les belligérants à "suspendre leurs opérations militaires" et "respecter" la trêve pour faciliter la livraison urgente d'aide humanitaire dans tout le Yémen". Poursuite des combats et violation de la trêve Peu avant l'entrée en vigueur de la trêve humanitaire le doute et la méfiance régnaient dans les deux parties en conflit. Le chef des rebelles Houthis avait dit le peu d'espoir qu'il nourrissait quant à son succès, la faisant peser sur les épaules du régime saoudien, qui dirige les bombardements aériens. Le gouvernement yéménite allié aux Saoudiens avait également fait part de ses doutes quant à un "engagement sincère" des rebelles. La coalition arabe a fait savoir qu'elle "n'était pas concernée par la trêve, parce qu'elle ne comprend pas d'engagement des Houthis" à la respecter. Elle a aussi souligné "ne pas avoir reçu de demande du gouvernement légitime" du président yéménite M. Hadi Abd Rabbo à la mettre en œuvre, ni avoir rencontré des représentants de l'ONU pour la coordonner. Ainsi, de violents combats ont opposé depuis vendredi les Houthis aux forces de la "résistance" progouvernementales à Habbane, dans le nord de la province Chabwa (sud), déplorant 21 morts et 36 disparus. Lundi, les avions de la coalition ont bombardé avant l'aube un bâtiment de l'ingénierie militaire à Salwane, un quartier de Sanaa, endommageant des habitations proches et faisant la mort de 10 civils, ont indiqué des sources médicales. La veille, l'aviation de la coalition menée par l'Arabie saoudite a lancé une série de raids aériens contre des positions des rebelles Houthis, et a visé à l'aube des rassemblements de rebelles à Saada, leur fief dans le nord du pays, d'autres positions au sud de la capitale Sanaa, et dans la région de Wahat dans la province méridionale de Lahj (sud), dans lesquels onze éléments Houthis et six membres des forces progouvernementales ont péri à Ras Amrane, à l'ouest d'Aden, selon le général Fadhl Hassan. Convoi humanitaire bloqué En annonçant jeudi la trêve, l'ONU avait affirmé avoir reçu de tous les belligérants des assurances suffisantes et les agences humanitaires avaient tablé sur la pause pour secourir les populations dans les zones les plus durement affectées. Samedi, l'Organisation mondiale de la santé annonçait ainsi son intention, dans le cas où la trêve tiendrait, d'envoyer équipements et médicaments dans neuf régions yéménites où le système de santé s'est effondré. Le Programme alimentaire mondial, qui a deux bateaux chargés de nourriture et de carburant au large d'Aden, espérait lui venir en aide à plus de 2 millions de personnes. Pour des raisons de sécurité, les agences de l'ONU n'ont pas pu débarquer à Aden des cargaisons d'aide humanitaire transportées par des navires accostant au large. Les Houthis ont intercepté "à l'entrée nord d'Aden" un convoi d'aide humanitaire, formé d'une cinquantaine de camions en provenance de la ville portuaire de Hodeïda (ouest), a indiqué Adnane al-Kaf, porte-parole d'un collectif de secours. La situation humanitaire au Yémen devient de plus en plus alarmante, 80% de la population ont besoin d'aide ou de protection et plus de 10 millions ont du mal à se nourrir ou à trouver de l'eau, précise l'ONU. (Par Narimane BELHACENE)