L'Arabie saoudite, dont la campagne aérienne marque le pas au Yémen et suscite des critiques croissantes, a déclaré lundi envisager des trêves ponctuelles dans certaines zones du pays plongé dans la guerre afin de permettre l'envoi d'aides humanitaires. Alors que l'ONU a mis en garde contre une catastrophe humanitaire au Yémen, le nouveau ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a annoncé que son pays consultait ses partenaires de la coalition arabe pour cesser temporairement les raids dans des zones bien définies pour permettre l'acheminement de l'aide. Il a mis en garde les rebelles chiites Houthis contre toute tentative d'exploiter les pauses dans les bombardements dans ces zones pour entraver l'arrivée des secours à la population prise au piège des violences. Ryad ripostera par des raids à tout mouvement suspect, selon lui. Pour centraliser l'opération d'aide envisagée, l'Arabie saoudite compte installer sur son territoire un centre chargé de coordonner l'assistance aux Yéménites, qu'elle provienne des agences des Nations unies, d'autres organisations humanitaires ou de pays désireux d'aider. M. Jubeir n'a toutefois donné aucune indication sur la date à laquelle ces trêves entreraient en vigueur.
Les Houthis résistent Depuis le 26 mars, l'Arabie saoudite conduit avec huit alliés arabes une campagne de bombardements aériens contre les Houthis, soutenus par l'Iran, pour les empêcher de prendre le contrôle total du Yémen, voisin du royaume saoudien. Ryad fait l'objet de critiques croissantes à propos des pertes parmi les civils et des pénuries de toutes sortes dans ce pays où le tiers de la population, soit 7,5 millions de personnes, est affecté par le conflit. Plus de 1.200 personnes ont été tuées depuis le 19 mars, selon l'ONU. Lundi, l'organisation Action contre la faim (ACF) a exhorté le président français François Hollande à tout faire, lors de sa visite jusqu'à mardi à Ryad, pour obtenir une cessation des hostilités au Yémen et aider à faciliter la distribution d'aide aux civils. Face à la catastrophe, il y a maintenant un impératif humanitaire qui doit primer sur tout objectif politique ou militaire, a déclaré ACF. La proposition saoudienne de zones sécurisées intervient après plus de cinq semaines de raids qui ont certes privé les Houthis d'installations militaires, de stocks d'armes et de voies d'accès pour poursuivre leur avancée dans le sud, mais n'ont pas changé fondamentalement la donne sur le terrain, estiment des experts. Les Houthis, qui ont lancé leur offensive en juillet 2014, continuent de contrôler la capitale Sanaa et d'autres vastes régions du territoire, et de résister dans le sud, notamment à Aden, deuxième ville du pays.
Hollande rencontre Hadi La guerre au Yémen sera au centre du sommet des six monarchies sunnites du Golfe mardi à Ryad, auquel assistera M. Hollande, et sera en outre évoqué lors d'une visite du secrétaire d'Etat américain John Kerry en Arabie saoudite les 6 et 7 mai. M. Hollande, arrivé à Ryad lundi, devait rencontrer en soirée le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, exilé en Arabie saoudite après sa fuite de son pays, ainsi que le roi Salmane. Des analystes se demandent si la coalition arabe sera capable de rétablir l'autorité légitime de M. Hadi, sans une intervention terrestre. L'une des contradictions de la stratégie saoudienne est d'avoir déclenché une campagne aérienne sans composante terrestre, souligne l'expert Neil Partrick. Selon des spécialistes, l'arrivée discrète dimanche à Aden de dizaines de soldats de la coalition arabe semble répondre au besoin de mieux organiser les rangs des combattants pro-Hadi, jusqu'ici incapables de bouter les rebelles hors de la ville. Les Comités de résistance populaire, réunissant des partisans de M. Hadi, manquent en effet singulièrement d'expérience et de leadership, souligne un expert militaire à Aden. En face, les Houthis, aidés notamment par les soldats restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, se sont aguerris depuis qu'ils sont partis de leur fief de Saada (nord) pour entrer à Sanaa en septembre 2014 avant de chasser du pouvoir M. Hadi en janvier et d'avancer vers le sud en mars. C'est une organisation idéologique qui s'est forgée en armée dans un environnement de guerre, relève l'expert yéménite Majed al-Mithhadi.
Impératif humanitaire Un autre enjeu, de plus en plus urgent, de la coalition est de répondre à l'aggravation de la crise humanitaire. Car se multiplient les appels à une trêve ou à défaut à des pauses humanitaires pour venir en aide à la population, privée d'électricité et de soins médicaux et menacée de graves pénuries alimentaires. Parmi les derniers appels pressants figure celui lancé lundi par l'organisation Action contre la faim (ACF) qui a exhorté le président Hollande à tout faire, lors de sa visite jusqu'à mardi à Ryad, pour obtenir une cessation des hostilités au Yémen et la levée du blocus qui empêche la distribution d'aide aux civils. Face à la catastrophe, il y a maintenant un impératif humanitaire qui doit primer sur tout objectif politique ou militaire, a déclaré ACF. Le conflit a déjà fait plus de 1 200 morts et 5 000 blessés selon un décompte des hôpitaux yéménites, jugé probablement en deçà de la réalité par les responsables onusiens. L'ONU estime également à 300 000 le nombre de personnes déplacées et à 7,5 millions le nombre de personnes affectées par la guerre, soit le tiers de la population yéménite.
Al-Qaïda contesté Des spécialistes soulignent aussi la nécessité pour la coalition de ne pas laisser Al-Qaïda profiter du conflit pour accroître son implantation, en particulier dans le sud-est. Le réseau djihadiste sunnite a déjà conquis en avril la ville de Moukalla, capitale de la province du Hadramout. Mais des centaines d'habitants ont manifesté dimanche soir contre Al-Qaïda pour réagir à une menace de mort contre un imam critique des jihadistes, selon des témoins. Sudiste, réveille-toi pour dire Non à Al-Qaïda et Non aux Houthis, ont scandé des manifestants, exprimant à la fois leur rejet du réseau extrémiste sunnite, bien implanté au Yémen, et des rebelles chiites. Ils ont également crié des slogans hostiles à l'homme qui est considéré comme l'émir d'Al-Qaïda à Moukalla, Khaled Batarfi, libéré de la prison avec quelque 300 autres détenus lors de la prise de Moukalla. Paradoxalement, Moukalla ne souffre d'aucune pénurie grave de carburant ou de vivres, contrairement à d'autres villes du sud du Yémen, comme Aden ou Taëz, affectées par les combats.