Des programmes jugés violents ont été diffusés par certaines chaînes algériennes de télévision, pendant le mois de ramadhan, provoquant l'émoi auprès des professionnels autant que des téléspectateurs et entraînant la suppression de certains d'entre eux, dès les premiers numéros. Diffusées juste à la rupture du jeûne, heure de grande écoute s'il en est, des émissions de caméras cachées étaient fondées sur un concept inédit en Algérie: "rire de la violence et de la terreur", en simulant des enlèvements par des terroristes lourdement armés, un séisme ravageur ou encore des attaques de "morts vivants" dans des lieux confinés. Ces programmes ont reçu du public un accueil majoritairement défavorable et de nombreux téléspectateurs ont avoué être choqués par une telle débauche de violence "pas drôle du tout et d'autant plus stressante qu'elle met les malheureuses personnes piégées face à la mort", juge un internaute scandalisé. Devant une levée de bouclier sans précédent sur la Toile notamment, les médias, y compris étrangers, s'étaient saisis de cette "dérive" avant que le ministère de la Communication ne somme ces chaînes d' "expurger les grilles de programmes des expressions de violence". "Ce concept n'a rien de drôle (...) avec l'usage des armes et des effets spéciaux", "ce n'est plus de l'humour, mais de la terreur diffusée en prime time", s'indignent des téléspectateurs, alors que d'autres pensent que "l'on peut faire beaucoup mieux sans recours à de tels artifices et surtout sans violence". Tous dénoncent cependant cette "forme de divertissement qui tente de banaliser la violence", dans l'objectif de "faire grimper l'audimat, au mieux...", explique-t-on. Des avis que recoupe le point vue de professionnels: "Dans une société lourdement traumatisée par le terrorisme qu'elle a subi dans un passé pas si lointain, il est inacceptable de banaliser la violence à la télévision", tranchent, pour leur part, producteurs, acteurs et réalisateurs. Tout en pointant du doigt une "crise de créativité", ces professionnels sont unanimes à défendre la "liberté de produire et celle du téléspectateur de choisir". Meriem Zoubiri émet un avis plus tranché: "Rire d'une célébrité qu'on met parfois face à la mort" -pendant de longues et interminables minutes- reste aux yeux de la comédienne "simplement inacceptable". Plus nuancé, le metteur en scène et réalisateur Abdelkader Djeriou estime que le choix du programme "devrait revenir (en définitive) au seul téléspectateur", mais juge dans le même temps que ces programmes sont "tombés dans l'excès" par l' "usage inconsidérée" de la violence. Selon le père de "Djornane El Gosto", une émission satirique à succès, les sociétés modernes sont devenues "violentes de par la nature de l'actualité et du quotidien". Ces programmes, visiblement en panne de créativité, reflètent, selon lui, "le goût du public qui s'oriente inconsciemment vers la violence", un phénomène sur lequel les sociologues devraient se pencher en urgence, dit-il. "Faire de tout et rire de tout, de la violence, du terrorisme, des hommes publics... est possible, mais dans le respect de certaines règles, et surtout dans les règles de l'art, dans ce cas d'espèce il en faut de la finesse et de la subtilité", plaide ce jeune réalisateur. Entre régulation et liberté de création Alors que Abdelkader Djeriou défend la liberté de création dans une ère de concurrence et d'ouverture du champ audiovisuel où la "régulation" ne doit pas être "synonyme de censure", d'autres professionnels plaident pour un "contrôle strict et parfois même l'interdiction" d'antenne. Concepteur d'un programme de caméra cachée qui a marqué les esprits il y a quelques années, Mourad Khan relève que "beaucoup de programmes sont indigents" et appelle à des "sondages d'opinion fiables" pour guider les télévisions dans leurs choix d'émissions. Reprochant à la télévision d' "encourager la médiocrité et (de) laisser le champ libre aux aberrations" diffusées cette année, il regrette l'absence d'une "chaîne (TV) de référence", à même d' "imposer naturellement les standards". Plusieurs autres professionnels de la télévision appellent de leurs voeux une "concurrence loyale" entre les chaînes, accompagnée de "véritables sondages" sur les goûts des publics algériens en matière de télévision, seuls aptes à imposer la qualité par l' "élimination naturelle" des programmes médiocres. Pour leur part, des cadres de télévision ont également tenu à voir la violence bannie des écrans, mais de manière "réglementaire, radicale, équitable et applicable à tous sans exception", avec pour but unique l'intérêt général bien compris.