La décision de Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'annuler l'accord commercial portant sur les produits agricoles, signé en 2012 entre le royaume du Maroc et l'Union européenne (UE) est "historique" et pose la question "fondamentale" de l'avenir des territoires du Sahara occidental, selon Me Gilles Devers, principal avocat du Front Polisario qui a porté l'affaire devant la CJUE. "La question fondamentale qui est posée, aujourd'hui, est celle de l'avenir de ce territoire et de ce peuple", a-t-il déclaré à l'APS, affirmant, néanmoins, que "de ce point de vue-là c'est déjà acté par ce que la Commission européenne a dit et écrit qu'effectivement pour elle, le territoire du Maroc s'arrête à la frontière historique". Selon cet expert en droit international et avocat au Barreau de Lyon (France), la Commission européenne "a écrit, noir sur blanc, dans ses mémoires qu'elle ne reconnaissait de territoire du Maroc que celui qui est dans les frontières historiques". Sur toutes les cartes géographiques du Maroc se trouvant sur les sites des ministères des Affaires étrangères de l'UE, a-t-il poursuivi, les frontières de ce pays s'arrêtent aux frontières historiques. Pour ce spécialiste du droit international, le Maroc n'a aucun droit sur ce territoire, aucun mandat international et le territoire du Sahara occidental doit être décolonisé. "Le Maroc doit comprendre qu'il ne peut pas construire l'avenir sur la violation du droit international et la seule solution est d'aller vers un référendum d'autodétermination" du peuple sahraoui, a-t-il plaidé. "Il y a un peuple sahraoui qui a été identifié en 1975 par la Cour internationale de justice", a-t-il souligné, rappelant qu'à la suite de cet arrêt qui écartait le Maroc, le roi Hassan II avait pris un point de vue "incompréhensible" sur le plan juridique. "Il (le roi Hassan II) disait que le Maroc a gagné, alors qu'il avait tout perdu. Depuis nous sommes restés sur cette erreur. Il y a eu un rapport de force politique international, mais, maintenant c'est fini. Allons vers un référendum d'autodétermination", a-t-il insisté. Interrogé sur l'éventualité que les institutions européennes fassent appel de la décision de la CJUE, Me Devers s'est dit confiant, assurant que le Collectif d'avocat engagé dans cette affaire "ira devant la Cour avec les mêmes arguments". "Ce qu'a jugé le tribunal peut faire objet d'un appel, mais il y a ce que la Commission européenne a écrit noir sur blanc. Elle a écrit que le Front Polisario est un mouvement de libération nationale, qu'il est le seul représentant du peuple sahraoui. Elle a écrit qu'elle ne reconnaissait de territoire du Maroc que celui qui est dans les frontières historiques. Donc la Commission européenne ne peut pas faire appel sur ce qu'elle a écrit", a-t-il tenu à préciser. Pour cet avocat, il est temps que le Maroc comprenne que "la Commission européenne dit des choses devant la justice, puis ensuite elle essaye de faire le commerce autrement. Donc, on est sur la fin d'une grande illusion et il faut revenir à des règles strictes", a-t-il estimé. La CJUE signe la reconnaissance de la personnalité juridique internationale du Front Polisario Par sa décision marquante, la CJUE signe également la reconnaissance de la personnalité juridique internationale du Front Polisario qu'elle considère comme le seul représentant du peuple sahraoui capable de décider dans l'intérêt de son peuple. "Il y a eu une forte bataille sur cette question. Nous avons eu lors des audiences et des débats assez vifs en direct avec le Conseil de l'UE et avec la Commission européenne qui avançaientt que c'est dans l'intérêt du peuple que l'accord a été conclu avec le Maroc. Nous avons protesté et affirmé que seul le Front Polisario peut décider de l'intérêt du peuple sahraoui et la Cour a statué dans ce sens en disant que ni l'UE, ni le Maroc n'ont de capacité pour dire qu'il est l'intérêt du peuple sahraoui. Si vous voulez faire quelque chose au Sahara occidental, il faut s'adresser au Front Polisario", a-t-il fait savoir. La CJUE a relevé également dans son jugement rendu jeudi que le Conseil de l'UE a manqué à son obligation de vérifier si l'exploitation des richesses naturelles du Sahara Occidental se fait ou non au profit de la population de ce territoire. "Il est écrit en toutes lettres dans l'arrêt que le Conseil de l'UE et la Commission savaient pertinemment que l'accord devait s'appliquer uniquement au territoire historique du Maroc tel que le reconnaissent les 28 pays de l'UE. Nous avons démontré par nos recherches que l'UE et ses agents sont présents sur le territoire de Dakhla et ses environs pour des contrôles sanitaires. La Cour a, ainsi, retenu cette notion que l'UE est impliqué dans cette dimension de force administrante", a-t-il expliqué. "Il est temps que les yeux s'ouvrent et qu'on mette fin à cette notion d'administration de facto qui était utilisée en profitant du rapport de force politique international", a-t-il plaidé. La décision de la CJUE s'applique surtout aux entreprises présentes au Sahara occidental qui doivent s'adresser au Front Polisario si elles veulent rester, a précisé Me Devers, affirmant que dans le cas contraire des procédures d'interdiction et de responsabilité seront engagées à l'encontre de ces sociétés. "Nous avons une décision de justice, soyez sûr que comme nous nous sommes battus pour l'avoir, on va se battre pour la faire appliquer", a-t-il conclu.