Les autorités centrafricaines ont ouvert la voie à un report de trois jours des élections présidentielle et législatives sur fond d'incertitude et confiance des candidats, dans un pays où aucune autre alternative n'est possible que de parachaver la transition pour clore trois ans de violences inter-communautaires. La date des scrutins présidentiel et législatif en Centrafrique, initialement prévue pour le 27 décembre (dimanche), a été reportée au 30 décembre en raison notamment de quelques problèmes d'ordre logistique. Logistiquement parlant, ce report était plus que nécessaire: "il faut acheminer les bulletins dans les communes les plus reculées du pays, mais aussi les documents sensibles, tels que les PV, les feuilles de résultats ou celles de dépouillements", avait justifié la présidente de transition Catherine Samba-Panza. Si les bulletins sont arrivés à Bangui hier soir, les PV se trouvaient toujours au Cameroun à la mi-journée. La Minusca (Mission intégrée multidimentionnelle de stabilisation des Nations-unies de la transition en République centrafricaine), a indiqué que tous ses véhicules, civils et militaires, étaient utilisés pour les acheminer. L'autre problème concerne la formation des personnels des bureaux de vote. Une faille de taille qui mis en évidence par le référendum constitutionnel du 13 décembre dernier. Des documents avaient été mal remplis par certains agents dans les bureaux de vote. Plusieurs bureaux avaient ainsi vu leurs résultats invalidés par la Cour constitutionnelle. Et un grand nombre de votes n'avaient donc pas été pris en compte dans les résultats finaux, d'où la faible participation (38%) lors de ce référendum. Pour éviter ce genre d'annulation, il a fallu former davantage d'agents et mieux les former. "On a remplacé des membres des bureaux de vote par des enseignants, des infirmiers, des fonctionnaires. En une ou deux heures, ils peuvent apprendre comment remplir correctement un procès-verbal", indique Mahamat Kamoun, le Premier ministre. La présidente centrafricaine Samba-Panza a expliqué au cours d'une réunion qu'il était impératif que le premier tour de la présidentielle et des législatives se tienne avant la fin de l'année. La décision avait été entérinée le mois dernier par la CEEAC (Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale), sur recommandation des autorités centrafricaines. Une transition sous pression mais pas menacée L'ONU a justifié jeudi le report des élections en République centrafricaine (RCA) par des difficultés logistiques et l'insécurité, estimant qu'il ne s'agissait pas d'un revers pour la transition politique dans ce pays. "Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un revers" pour le processus de transition, a estimé le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric. "Etant donné la situation de sécurité très délicate dans le pays, il est important que ces élections se tiennent dans les meilleures conditions possibles". "La mission (de l'ONU, Minusca) va continuer à aider à distribuer les bulletins de vote et à soutenir les forces" de sécurité de RCA, a-t-il souligné. Tous les bulletins de vote pour les deux scrutins présidentiel et législatif sont arrivés à Bangui mercredi et la Minusca "va les distribuer progressivement dans les provinces", a-t-il expliqué. Il a souligné que le report avait été décidé par les autorités électorales de RCA. "C'est leur processus, ce sont leurs élections et nous sommes là pour les soutenir", a-t-il ajouté. Des critiques parmi les candidats Un accueil mitigé a été réservé à cette décision annoncée par la présidente de la transition. Gouyomgbia Kongba Zézé, l'un des trente candidats au scrutin, note deux incertitudes juridiques suite à cette annonce, qui doivent être levées, selon lui, au plus tôt. "Beaucoup de problèmes juridiques se posent". Il s'interroge notamment s'il y a lieu de prolonger de quelques jours la campagne électorale. Officiellement, elle se termine vendredi. En outre, il est indiqué que les électeurs votent le dimanche. Or, là, "on doit faire les élections un mercredi. Il faut prendre des mesures d'accompagnement pour que, de manière exceptionnelle, on puisse voter en semaine. Les autorités nous ont dit qu'elles vont réunir des juristes pour travailler dessus", a-t-il notamment déclaré. C'est impératif. Marie-Madeleine Koué, présidente de l'autorité nationale des élections, tranche : "La date du 30 nous irait parfaitement pour les élections présidentielles". De son côté, Karim Meckassoua, l'un des favoris de l'élection revenait d'une tournée en province, quand il a appris la nouvelle. "Ces trois jours de report m'arrangent parce que certaines villes me réclament et je vais en profiter avec mon staff, avec ma direction nationale de campagne pour replanifier un certain nombre d'activités. Mais ce report est un peu inquiétant puisque c'est pour des raisons techniques et logistiques. Dans tous les cas, nous étions prêts pour le 27 et nous le serons encore davantage pour le 30", a-t-il affirmé. La Centrafrique est dans la tourmente depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par l'ex-rébellion Séléka, elle-même finalement chassée du pouvoir par une intervention internationale menée par la France au début de l'année 2014. Ces scrutins doivent clore trois ans de violences inter-communautaires qui ont plongé la RCA dans une crise sans précédent.