Les spécialistes en droit constitutionnel, Fatiha Benabbou et Rekhila Ameur, ont salué mardi le contenu de l'avant-projet de révision de la Constitution, en ce qui a trait à l'approfondissement de la séparation et de la complémentarité des pouvoirs qui constitue "le principal garant de la pérennité de l'Etat". Dans une déclaration à l'APS, la spécialiste en droit constitutionnel, Fatiha Benabbou a qualifié l'approfondissement de la séparation et de la complémentarité des pouvoirs d'"extrêmement important", car constituant "le principe fondamental garantissant la pérennité de l'Etat". La spécialiste a mis en garde contre les risques de "concentrer le pouvoir dans les mains d'une seule partie, ce qui, a-t-elle estimé, mènerait inévitablement aux dépassements, alors qu'il est nécessaire aujourd'hui de réaliser un équilibre réel entre les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire)". "La consécration de ce principe est de nature à conférer davantage de crédibilité aux institutions constitutionnelles, le Parlement en tête", a-t-elle indiqué. S'exprimant sur "l'accès de l'opposition parlementaire aux moyens d'assumer un rôle plus actif, y compris par la saisine du Conseil constitutionnel", Mme Benabbou a estimé qu'"avant d'aborder l'élargissement du rôle de l'opposition parlementaire il faudrait s'assurer que le Conseil constitutionnel accomplisse pleinement le rôle dont il est investi". "Le Conseil constitutionnel algérien dans sa forme actuelle est désuet, sachant qu'il est inspiré de son homologue français, créé dans un contexte historique propre à ce pays", a-t-elle ajouté. Cependant, elle a jugé nécessaire de revoir "la procédure de nomination au sein du Conseil constitutionnel" et d'"élargir ses prérogatives qui demeurent très restreintes, car limitées au contrôle de la constitutionnalité des lois". Revenant au point relatif "à la dynamisation des institutions constitutionnelles de contrôle", l'intervenante a estimé que la "Constitution doit énoncer les institutions chargées d'exercer la mission de contrôle politique, concernant la promotion du rôle des institutions de contrôle économique et financier de par leur rôle important dans la vie nationale, à l'instar de la Cour des comptes". "La Constitution est un texte référentiel qui renferme les principes fondamentaux régissant les pouvoirs de l'Etat, et non une charte ou un discours politique ouvert auquel on peut introduire tout ce qu'on veut", a-t-elle encore souligné. Interrogée sur la question relative à la mise en place d'un mécanisme indépendant de surveillance renforcé des élections, Mme Benabbou a estimé qu"'il est plus judicieux de procéder à la création d'une instance indépendante chargée de la supervision du processus électoral, depuis l'élaboration des listes électorales jusqu'à l'annonce des résultats, en vue de consacrer la crédibilité et la transparence des élections". Pour sa part, Ameur Rekhila, spécialiste en droit constitutionnel, a souligné que l'approfondissement de la séparation des pouvoirs était un principe prévu par la Constitution. De ce fait, "il était nécessaire de procéder à une révision des articles relatifs aux trois pouvoirs", a expliqué M. Rekhila qui a rappelé que "la séparation des pouvoirs est régie par des mécanismes établis en fonction du régime politique et du degré d'évolution politique dans chaque pays". S'agissant de l'accès de l'opposition parlementaire aux moyens d'assumer un rôle plus actif, y compris par la saisine du Conseil constitutionnel, une prérogative relevant exclusivement du ressort du président de la République et aux présidents des deux chambres du parlement, le spécialiste a précisé que "le président de la République a répondu favorablement à l'une des revendications soulevées par plusieurs partis politiques, ce qui constitue un pas positif en la matière". M. Rekhila a, toutefois, estimé que l'élargissement de la saisine aux groupes parlementaires "pourrait entraver le processus de promulgation des lois et avoir un impact négatif". Concernant le mécanisme indépendant renforcé de surveillance des élections, l'intervenant a indiqué que ce mécanisme avait pour objectif de "servir la démocratie pluraliste", tel que mentionnée dans l'avant-projet de révision de la Constitution. A ce propos, M. Rekhila a indiqué que les partis politiques avaient demandé la création d'une instance chargée de la supervision des élections qui soit séparé de l'Administration, ce qui est "totalement différent" de ce que stipule l'avant-projet de révision de la Constitution. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait donné lundi, lors d'un conseil restreint, son approbation à l'avant-projet de révision de la Constitution qui sera soumis au Conseil constitutionnel pour avis motivé sur la "procédure par laquelle ce texte sera examiné et adopté par le parlement".