L'Union européenne (UE) veut endiguer les flux de migrants vers l'Europe, alors que l'Allemagne qui a accueilli 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015 refuse de plafonner leur accueil. L'UE, qui reste divisée face à la crise migratoire, prépare une refonte des règles d'accueil des réfugiés, qui font peser une charge démesurée sur certains pays. Mais le partage du fardeau suscite de fortes résistances, dans un climat qui s'est durci à l'égard des migrants. Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a indiqué samedi à Davos (Suisse) que la crise des migrants en Europe compromet la survie de l'espace de libre circulation européen Schengen. Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a récemment indiqué devant les eurodéputés réunis à Strasbourg que "nous avons besoin d'une forte réduction (du nombre d'arrivées de migrants dans l'UE, ndlr) dans les six à huit prochaines semaines". Il a en outre souligné que l'Union doit également travailler avec des pays comme le Liban ou la Jordanie pour que les réfugiés qui s'y trouvent soient correctement pris en charge en terme d'éducation, de santé, voire même d'emploi. La priorité des pays européens est désormais de freiner les arrivées, voire de décourager les candidats à l'asile par des mesures unilatérales, comme en Autriche, où a été annoncé mercredi un plafond annuel. Le gouvernement autrichien a annoncé sa volonté de limiter à 37.500 le nombre de demandeurs d'asile acceptés dans le pays en 2016, plus de deux fois moins que les 90.000 demandes déposées cette année. L'Autriche a accepté quelque 14.000 demandes d'asile en première instance sur plus de 36.000 demandes examinées en 2015, selon le Bureau fédéral de l'immigration et du droit d'asile. L'Allemagne refuse de plafonner l'accueil des migrants Par ailleurs, le président allemand Joachim Gauck a estimé au forum de Davos (Suisse) que limiter l'afflux de demandeurs d'asile pouvait être "moralement et politiquement requis" en Europe, affirmant que ne pas en parler revenait à "laisser le champ libre aux populistes". La position exprimée par M. Gauck rejoint celle de la chancelière Angela Merkel qui a promis en décembre de diminuer tangiblement le nombre de migrants en prônant des mesures européennes et internationales. Mme. Merkel continue néanmoins de refuser un plafonnement du nombre de réfugiés, promettant à son opinion des solutions internationales et européennes. Mais ses propositions, comme la répartition par quotas des migrants au sein de l'UE, sont rejetées par nombre d'Etats-membres. La chancelière a promis de faire un "bilan intermédiaire" de sa politique après trois rendez-vous clé: la rencontre avec le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, une conférence des donateurs sur la Syrie à Londres le 4 février et un sommet européen mi-février. L'Europe a "grandement aggravé" la crise des réfugiés en 2015 (MSF) Dans un rapport publié mardi, l'organisation non gouvernementale, Médecins dans frontières (MSF) a estimé qu'"on se souviendra de 2015 comme d'une année au cours de laquelle l'Europe a lamentablement échoué à prendre ses responsabilités et à répondre aux besoins urgents d'assistance et de protection de plus d'un million d'hommes, de femmes et d'enfants". Le rapport est très critique envers une Europe qui a "grandement aggravé la soi-disant +crise des réfugiés+, ainsi que la santé et le bien-être de toutes ces personnes en fuite". Rappelant que près de 3.800 personnes sont mortes en tentant de traverser la Méditerranée l'an dernier, MSF dénonce le refus européen de proposer "des alternatives légales et sûres à la traversée mortelle de la mer" qui a "poussé plus d'un million de personnes dans les bras des passeurs et dans des bateaux surpeuplés". L'ONG fustige aussi les conditions d'accueil, notamment en Grèce où les autorités ont, selon elle, "failli à mettre en place un système de réception humain et adéquat" en particulier pour l'enregistrement des migrants. "Pire, elles ont activement empêché les organisations humanitaires de s'organiser pour couvrir ces manquements". Enfin l'ONG s'indigne des "décisions unilatérales et irresponsables de fermer les frontières" en Europe et du "manque de coordination entre les Etats membres", qui ont "joué avec la santé, la dignité et le bien-être des migrants", en "ouvrant puis fermant leurs frontières, de manière dangereusement capricieuse". Près de 36.899 migrants et réfugiés ont atteint les rives européennes au cours des trois premières semaines de l'année 2016, selon l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Vendredi, les corps d'au moins 44 migrants, dont 20 enfants, ont été repêchés en mer Egée, tandis que la Turquie, sur qui les Européens comptent vivement pour résoudre la crise des réfugiés, s'est engagée à "tout faire" pour réduire leur nombre.