Le projet de révision constitutionnelle, introduit par le président François Hollande, pour donner plus d'assises juridiques à la lutte antiterroriste sera examiné à compter de vendredi à l'Assemblée française. Le projet comprend deux principaux articles : la constitutionnalisation de l'état d'urgence et la déchéance de la nationalité française, et comporte 200 amendements. C'était le 16 novembre dernier, trois jours après les attentats terroristes de Paris, qui ont fait 130 morts, que le président français avait annoncé, devant le Congrès à Versailles, son intention de réviser la Constitution pour y introduire ces deux articles. Pour l'état d'urgence, régi par une loi qui date de la guerre de libération nationale (1955), le gouvernement veut l'inscrire "dans la norme juridique la plus haute", tout en encadrant ses "principes essentiels" pour empêcher, selon l'exécutif, "la banalisation de l'état d'urgence ou tout recours excessif". En vigueur depuis le 13 novembre 2015, son application a donné lieu à de vives réactions du mouvement associatif et des militants des droits de l'homme qui ont critiqué "l'atteinte aux libertés individuelles et collectives". Dans son rapport publié jeudi, Amnesty International a considéré que l'assignation à résidence "porte atteinte au droit à une vie familiale, au droit d'aller et venir, à un procès équitable et à la présomption d'innocence". Concernant les perquisitions, l'ONG indique que les "mesures d'urgence brutales, notamment des perquisitions de nuit et des arrêtés d'assignation à résidence, bafouent les droits de centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, qui en ressortent traumatisés et stigmatisés". Pour sa part, le Défenseur des droits a indiqué également jeudi que plusieurs dizaines de réclamations ont atterri fin 2015 sur son bureau. A la suite des mesures exceptionnelles prises dans le cadre de l'état d'urgence, "le Défenseur des droits a reçu 42 réclamations" en l'espace de cinq semaines, du 26 novembre au 31 décembre 2015. Selon le nouveau texte proposé à l'Assemblée, l'état d'urgence sera "déclaré en Conseil des ministres (…), soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique". En ce qui concerne, la déchéance de la nationalité, une revendication de l'extrême droite, qui a suscité le plus de réactions et provoqué même la démission de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, le texte a subi des modifications face à une levée de boucliers lorsqu'il prévoyait la déchéance pour les binationaux nés français en cas de condamnation pour terrorisme, trahison et, entre autres, pour espionnage. Le gouvernement a proposé une nouvelle rédaction, sans référence à la binationalité, mais beaucoup ont estimé qu'au moment de son application ça ne pourrait concerner que les binationaux, dans la mesure où tout le monde s'accorde à ne pas vouloir d'apatrides. Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux, a assuré qu'il n'y avait "plus de malentendu avec le gouvernement", puisque le futur texte "ne fera pas référence à l'interdiction de l'apatridie pour ne pas viser encore une fois les seuls binationaux".