Prédire les pénuries d'eau demeure difficile alors que la demande et les disponibilités varient selon les régions et les saisons, ce qui entraîne des pénuries dans plusieurs parties du monde pendant des périodes spécifiques de l'année, relèvent plusieurs rapports. Selon les résultats d'un rapport alarmant publié dans la dernière édition de la revue américaine Science Advances, la moitié des personnes menacées par la pénurie d'eau douce habitent en Inde et en Chine, les autres sont en Australie, au Bangladesh, au Nigeria, au Mexique et au sud-ouest des Etats-Unis (Californie, Texas, Floride). Au total, quatre milliards de personnes connaissent régulièrement (plus d'une fois par mois, de graves problèmes provoqués par la pénurie d'eau douce, chiffre qui dépasse largement les estimations initiales, selon lesquelles, le nombre de personnes en manque d'eau ne dépassait pas 3,1 milliards. Partout dans le monde, l'intégrité des écosystèmes aquatiques se dégrade, réduisant leur capacité à produire de l'eau douce potable - qui ne constitue qu'une très faible fraction de l'eau disponible sur Terre. En cause, les ponctions excessives sur les eaux de surfaces, mais aussi la pollution et, de plus en plus, le changement climatique (précipitations réduites, évaporation accrue). Le rapport souligne à quel point la pénurie et la mauvaise gestion de cette précieuse ressource cristallisent les tensions et les conflits autour du monde. Les résultats de la recherche ont été obtenus à l'aide d'un modèle informatique qui a permis aux scientifiques de diviser la Terre en zones d'une surface supérieure à 3.100 kilomètres carrés, d'analyser le besoin mensuel en eau dans chacune d'elles et d'estimer les ressources aquatiques. L'eau recouvre 70% de la surface du globe et représente un volume d'environ 1.400 millions de mètres cubes. Les réserves d'eau douce représentent moins de 3% du total (près de 40 millions de mètres cubes), et seulement 1% est accessibles à l'homme. Selon un précédent rapport publié par l'ONU en 2015, les réserves en eau sont trés inégalement réparties sur la planète: 85% des habitants de la Terre vivent dans la partie majoritairement aride de la planète. L'ONU prédit que d'içi 2030, la demande en eau pourrait dépasser sa production de 40% . L'Agence centrale du renseignement (CIA) américaine avait quant à elle placé le problème des ressources en eau parmi les plus grandes menaces de notre époque. Stress hydrique dans le monde Le stress hydrique - autrement dit, une ressource insuffisante pour répondre aux différentes activités humaines et aux besoins de l'environnement - commence lorsque la disponibilité en eau est inférieure à 1 700 mètres cubes par an et par personne. Quasiment les trois quarts des habitants des pays arabes vivent en dessous du seuil de pénurie établi, lui, à 1 000 m3 par an, et près de la moitié se trouvent dans une situation extrême avec moins de 500 m3, en Egypte, en Libye notamment. Les pays en voie de développement ne sont pas les seuls touchés. "Comment l'Ouest américain, certaines provinces de Chine, le Mexique ou encore le Sud méditerranéen vont-ils faire dans trente ans ? s'interroge Richard Connor, expert pour l'ONU, dans le rapport annuel sur l'eau. Le stress hydrique peut avoir des conséquences incalculables. Par exemple, en 2010, les sécheresses et les feux de forêt dans les steppes de Russie ont fait chuter les exportations de blé. Résultat : le prix du pain a doublé, ce qui a débouché sur le "printemps arabe". Les projets de centres de dessalement se multiplient pour produire de l'eau potable dans les régions du monde qui en ont les moyens, comme en Californie ou dans des pays arabes. Les eaux souterraines de plus en plus surexploitées Stress des eaux souterraines : prélèvements sur la recharge annuelle (en %). Les aquifères souterrains fournissent de l'eau potable à la moitié de la population mondiale. Mais un sur cinq est surexploité. Avec l'élévation du niveau de la mer, des grandes villes voient ainsi la qualité de l'eau douce de leurs aquifères menacée, notamment Shanghaï, en Chine, et Dacca, au Bangladesh. Et des îles du Pacifique comme Tuvalu et Samoa sont contraintes d'importer de plus en plus d'eau douce. Une amélioration de l'accès à l'eau potable En vingt ans, le nombre de personnes ayant accès à "un point d'eau potable amélioré" a augmenté de 2,3 milliards. Les rapporteurs de l'ONU parlent de "progrès impressionnants" - alors que l'accès à l'eau était l'un des objectifs du Millénaire pour le développement pour 2015. Dans le monde, 748 millions de personnes restent privées d'eau potable. Dans les agglomérations qui s'étendent à une vitesse vertigineuse avec leurs lots de bidonvilles, le nombre de citadins sans accès à l'eau est passé de 111millions à 149 millions entre 1990 et 2012. Et l'Afrique subsaharienne continue de souffrir de la pénurie, dans les cités comme dans les campagnes, écrivent les rapporteurs. Globalement, 36 % de la population africaine ne dispose toujours pas d'un point d'eau accessible. D'ici 2050, la demande en eau devrait augmenter de 55 %, non seulement sous la pression d'une population croissante (la Terre comptera alors 9,5 milliards de personnes), mais aussi parce que la consommation s'envole. Les besoins de l'industrie devraient exploser de 400 % d'ici-là. Quant au secteur agricole, ses prélèvements actuels ne sont pas soutenables, selon les experts.