Les familles mostaganémoises célèbrent Yennayer marquant l'avènement de la nouvelle année amazighe, avec une touche particulière mêlant des pratiques nouvelles à celles héritées de génération en génération. Certaines formes festives n'ont pas pour autant affecté le patrimoine matériel et immatériel de Yennayer soit pour ce qui est des plats traditionnels concoctés exclusivement pour cette circonstance ou des contes et légendes narrées par les grand-mères. Le "Cherchem", un plat préparé avec des ingrédients à base de blé et de légumes secs, est incontournable sur la table de "Yennayer" à Mostaganem. Ce plat symbolise le début de la saison hivernale et de la nouvelle saison agricole, explique la journaliste spécialisée en patrimoine local, Hassiba Bendris. Le "Cherchem" de Mostaganem est composé de blé moulu, de pois-chiche et de fèves sèches. Il est préparé le 11ème jour de janvier, journée consacrée au plat chaud (El Hami). Il est consommé ensuite par tous les membres de la famille et les voisins. Certaines familles résidant dans la région de la Dahra, à l'Est de la wilaya, préparent également le "Regag", un met constitué de "Th'rid", accompagné d'une sauce de légumes et du poulet ou alors le couscous, préparé de la même manière ajoute Bendris. Outre le "Cherchem", "Regag" et "Couscous", les femmes se réunissent dans les patios et les "Houachs" des habitations des vieux quartiers de Tidjdit comme Souika Tahtaniya et Foukaniya , Sidi Maamar et la zaouia autour d'un thé à la menthe et des gâteux traditionnels dont les incontournables beignets "Sfendj" aux raisins secs, préparés à cette occasion, l'après-midi ou le soir de Yennayer. Cette tradition est connue dans la société mostaganémoise sous le nom de Lemdhella. Lemkhelat, un cocktail de fruits et de friandises pour garnir la table Le deuxième jour de Yennayer est dédié à la préparation d'un mélange d'ingrédients froid, "Lemkhelat" ou "Lajras". Il est composé d'arachides dont les cacahuètes, les glands, les amandes, les noix, les fruits secs comme les dattes et les figues sèches ainsi que de friandises et confiseries orientales dont Halwat turc, El Halkoum, Nougat, les chocolats et autres fruits de saison comme les oranges. Certaines familles installent leur plus jeune enfant ou leur bébé dans une grande terrine en bois (Gessaa), pour verser sur lui tous les composants de ce "Lemkhallet", pour lui souhaiter prospérité et réussite dans sa vie. Les vieilles personnes et les mamans confectionnent ensuite des sachets en tissus qu'elles remplissent de ces délices et distribuent aux membres de la famille, notamment les enfants. Le respect de cette tradition ancestrale nécessite toutefois d'énormes sacrifices pour les familles à revenus modestes, contraintes de modérer leurs achats. C'est le cas de Mme Fadhila, une fonctionnaire, rencontrée au marché couvert du centre-ville de Mostaganem, qui a souligné que la cherté des prix de certains ingrédients composant "Lemkhalet" l'oblige à acheter de petites quantités de ces arachides et fruits secs. La fête de Yennayer est également, à Mostaganem, une opportunité pour faire (ré)découvrir des contes et légendes ayant bercé des générations entières. Les grand-mères réunissaient autour d'elles les enfants pour leur raconter des contes liés au nouvel an amazigh. Parmi les contes, hérités du patrimoine oral, figure celui de Ajouzat Ennayer (la vieille d'Ennayer). La légende rapporte qu'un soir d'hiver, une vieille femme frappa à la porte d'une maison pour demander qu'on lui donne à manger. La maitresse de la maison refuse de la nourrir et la chassa des lieux. Le mois de janvier, fou furieux devant cet acte d'inhospitalité et de générosité, décida de se venger, en privant la région concernée de pluies et d'abondances agricoles. Jusqu'à présent, des familles veillent à réserver une part du plat de "Cherchem" à un éventuel invité débarquant à l'improviste, aux voisins ou aux étrangers de passage dans la région. Hadj Moulay Bentounès, un notable de Hai Zaouia, estime lui que Yannayer est une "expression de notre identité" qu'il faut préserver comme tradition ancienne réunissant les familles dans une ambiance festive, de solidarité et de générosité. "Cette célébration dans toutes les contrées nous unit et nous réunit comme une seule famille. Cette occasion symbolise également une histoire nationale très riche, une dimension amazighe de notre personnalité et une occasion pour renforcer les liens sociaux et nationaux", indique-t-il.